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116 PROLÉGOMÈNES

de l'homme. Or l'esprit intelligent tient de son essence la faculté d'apercevoir tout ce qui est dans ce monde-ci \ puisque, par sa na- ture et par son essence, il est la perceptivité même. Si les percep- tions du monde invisible se dérobent à la connaissance de l'esprit P. 8j. intelligent, ce sont ses occupations avec le corps , les facultés (du corps) et les sens, qui en sont la cause. S'il pouvait écarter le voile des sens et s'en débarrasser, il reprendrait alors sa véritable nature, la percep- tivité même, et saisirait toutes les perceptions.

Quand il (l'esprit intelligent) se dégage d'une partie de ces obs- tacles, il a moins de préoccupations pour le distraire et ne saurait manquer d'entrevoir quelque chose de son propre monde (du monde spirituel). Plus il se dégage des préoccupations que lui donnaient les sens externes et qui formaient le principal obstacle à son progrès, plus il est disposé à recueillir dans le monde spirituel les perceptions qui lui conviennent le mieux, parce que ce monde-là est le sien. Ayant alors ramassé des notions dans les divers mondes dont se compose le monde spirituel, il les rapporte avec lui dans le corps. Mais, tant qu'il reste dans le corps matériel qui l'enveloppe, il ne peut agir qu'au moyen des instruments de perception propres au corps. Or les ins- truments du corps qui servent à procurer des connaissances ont leur siège dans le cerveau, et l'instrument qui agit sur ces perceptions est l'imagination; il enlève aux formes (ou images) recueillies par les sens les formes qui hii sont spéciales et les renvoie à la mémoire. Celle-ci les garde jusqu'au moment où l'esprit en a besoin, soit pour les examiner, soit pour en tirer des conclusions. L'esprit, de son côté, tire de ces mêmes formes celles qui sont spirituelles et intel- lectuelles, de sorte qu'il remonte du sensible à l'intellectuel par la voie de l'abstraction et par l'entremise de l'imagination.

Il en est de même de l'esprit quand il recueille des perceptions dans le monde qui lui est propre (le monde spirituel) : il les renvoie à l'imagination, qui leur donne des formes en rapport avec sa propre

' Littéral. « le monde de la chose. »

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