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92 PROLÉGOMÈNES

ils disposent dos êtres inférieurs, qui sont contraints d'obéir à leur volonté.

Les plus grands personnages d'entre les mystiques ne font point de cas de ce dégagement et de cet empire (sur les êtres); ils ne dé- clarent rien de qu'ils savent sur la nature réelle (et secrète) d'aucune chose, quand ils n'ont point reçu l'ordre d'en parler; bien plus, ils regardent ce qui leur arrive de ces effets (surnaturels) comme une tentation, et, quand ils les éprouvent, ils demandent à Dieu de les en délivrer.

Les Compagnons pratiquèrent aussi ce combat spirituel et se virent abondamment comblés de faveurs surnaturelles : Abou Bekr, Omar et Ali se distinguèrent par un grand nombre de dons de ce genre, mais aucun d'eux n'y attacha la moindre importance. Leur façon de voir à cet égard a été suivie par les mystiques dont les noms sont mentionnés dans le traité d'El-Cocheïri , et par ceux qui, après eux, marchèrent dans la même voie.

Parmi les modernes il s'est trouvé des hommes qui ont mis beau- coup d'intérêt à obtenir ce dégagement des voiles, et à pouvoir parler des perceptions que ces voiles leur avaient cachées. Ils ont eu recours, pour y parvenir, à différents exercices de mortification, suivant les divers enseignements qu'ils ont reçus relativement à la manière d'é- teindre les facultés des sens, et de nourrir, par la méditation, l'âme infelligenlc. On continue ces exercices jusqu'à ce que l'âme, ayant pris toute sa croissance et toute la nourriture dont elle est susceptible, puisse jouir pleinement de la faculté de percevoir qui lui appartient en vertu de son essence. Quand un homme, disent-ils, est parvenu à ce point, tout ce qui existe est compris dans ses perceptions; ils P. 65. prétendent avoir vu à découvert l'essence réelle de tous les êtres, et s'être fait des idées justes de la nature véritable de toutes ces choses, depuis le trône (de Dieu) jusqu'à la plus légère pluie ^ C'est ce que dit El-Ghazzali dans son ouvrage iuliUilé Ihya, après avoir

' Ce mol est mis ici pour la rime; dans le langage des Soulis il ne paraît pas avoir une acception particulière.

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