86 PROLEGOMENES
les biens du monde se fut. répandu et que la plupart des hommes se furent laissé entraîner dans le tourbillon de la vie mondaine, on dé- signa les personnes qui se consacrèrent à la piété par le nom de Sou- fis- ou de Motesouéfis (c'est-à-dire aspirants au soufisme) \
El-Cocheïri ^ a dit qu'on ne saurait assigner à ce nom une étymo- logie qui soit tirée de la langue arabe et conforme à l'analogie; que c'est évidemment un sobriquet et que l'opinion de ceux qui le font dériver de safa (pureté), ou de soffa (banquette)^, ou de sojj' (rang, ordre) est trop difficile à concilier avec les formes étymologiques de la langue pour être admissible. 11 ajoute qu'on ne peut pas non plus le faire dériver de ioa/" (laine), vu que ces gens-là n'avaient pas l'habitude de se distinguer des autres en portant des vêtements de laine. Je dis, moi, que, puisqu'il s'agit d'étymologie, soufi vient très- probablement de soaf (laine), car la plupart de ces dévots portaient des vêtements de cette étoffe pour se distinguer du commun des hommes, qui aimaient à se montrer dans de beaux habits.
LesSoufis ayant adopté pour règle de renoncer aux biens du monde , de se tenir séparés de la société et de s'adonner à la dévotion, se distinguèrent aussi des autres hommes par des extases * qui leur sur- venaient. Expliquons cela. L'homme, en tant qu'il est homme, se distingue des autres animaux par la perception ^, et cette perception est de deux sortes : la première a pour objet les sciences et les con- naissances, non-seulement tout ce qui est certain, mais tout ce qui est supposition, ou dijute ou opinion; l'autre a pour objet les états qu'il
' Les deux termes s'emploient ïndiiTé- et protégé de Mohammed , qui nous a
remment pour désigner le» mystiques. transmis tant de traditions dont plusieurs
M. de Sacy en a déjà fait la remarque. sont évidemment mensongères , était un
' J'ai déjà parlé de ce célèbre hagio- des gens de la banquetle ou sofa (en arabe
graphe; voyez la i" partie, p. 456. 'ojf")-
' Certains pauvres musulmans, contem- ' Selon M. de Sacy, le mot i>.^l^ est
porains de Mohammed, dormaient dans le pluriel de tVa-j.
la mosquée de Médinc pendant la nuit, et " L'auleur aurait dû écrire y. x à J Lj
se tenaient assis sur une banquette , à l'ex- »>_.Ci. «par la rcllexion, et cette ré-
téricur de la mosquée, pendant le jour. flexion, »elc. (Voy. ce qu'il a dit à ce sujet
Abou Horeira l'aveugle, ce Compagnon dans la a' partie, p. iiab.)
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