D'IBN KHALDOUN. 447
Nous avons entendu dire que les Egyptiens ont porté à un point incroyable leur habileté dans l'enseignement des arts; ainsi, pour en citer un exemple, ils dressent des ânes domestiques et d'autres qua- P. 382. drupèdes à faire des tours, et enseignent aux oiseaux à prononcer des paroles isolées. Ces choses sont si extraordinaires qu'elles remplissent les spectateurs d'admiration. Les Maghrébins sont incapables de con- cevoir comment cela se fait, et, à plus forte raison, de l'enseigner.
Le talent d'enseigner, celui d'exercer un art quelconque, et celui d'agir avec adresse dans les diverses circonstances qui dépendent des habitudes de la vie, augmentent la vigueur de l'intelligence si on les possède bien, et donnent une grande clarté à l'esprit de l'homme* parce que ce sont autant de facultés acquises à l'âme. Nous avons déjà dit que l'âme se forme au moyen des perceptions et des facultés qui lui surviennent. Ce qui a augmenté la sagacité de ceux-là (les Orientaux), ce sont les impressions que les connaissances ainsi ap- prises laissent sur l'âme. Croire que cette sagacité est le résultat d'une différence réelle dans la nature même de l'humanité est une erreur que le vulgaire seul est capable de commettre. Si l'on compare Thomnie de la ville avec celui du désert, on remarquera ( il est vrai), chez le premier, un esprit rempli de pénétration et de saga- cité; cela est même au point que l'homme des champs se croit in- férieur en nature et en intelligence au citadin. Il se trompe cepen- dant; la supériorité de celui-ci provient de la parfaite acquisition de facultés qui lui facilitent l'exercice des arts, ainsi que de l'observation des convenances imposées par les usages et habitudes de la vie séden- taire; choses dont l'homme du désert n'aaucune idée. Quand le citadin entend bien la pratique des arts et s'est acquis la faculté de les exercer et de les enseigner bien, tous les individus' à qui ces facultés manquent s'imaginent que l'autre les doit à la nature supérieure de son intelli- gence , et que l'âme , chez les habitants du désert, est bien inférieure en organisation et en nature aux âmes des citadins. Mais il n'en est pas
' Après ijjo, il faut ajouter iX.
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