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rapport avec les écrivains espagnols et n'a pas éprouvé l'influence de p. 346. leur voisinage, laquelle se faisait sentir surtout à Tunis, capitale de l'empire.

L'écriture des habitants de l'Ifrîkiya devint donc analogue à celle des Espagnols, et cela dura ainsi jusqu'à ce que la puissance des Almo- hades (Hafsides) s'affaiblît et que les habitudes de la vie sédentaire et du luxe rétrogradassent avec la civilisation ; alors l'écriture éprouva aussi de la décadence ; ses principes s'altérèrent; les procédés employés dans l'enseignement de cet art tombèrent dans l'oubli à mesure que l'influence de la vie sédentaire allait en s'affaiblissant et que la civili- sation reculait. Toutefois, l'écriture de cette contrée a conservé assez de traces du caractère espagnol pour témoigner de ce qu'elle était autrefois. C'est une conséquence du principe que nous avons établi précédemment, savoir que, partout où les arts ont pris racine par suite de la vie sédentaire, il est difficile de les extirper entièrement.

Plus tard, sous la dynastie mérinide, il s'établit dans la partie la plus occidentale du Maghreb une écriture qui n'est qu'iine nuance de l'écriture espagnole. Elle s'y était introduite , parce que l'Espagne était un pays voisin et que les émigrés venus de cette contrée depuis peu de temps pour se fixer à Fez étaient entrés au service du gouver- nement et ont continué à y rester. Mais l'écriture tomba en oubli dans tout ce qui était éloigné du siège de l'empire , comme si on ne l'eût jamais connue. Dans l'Ifrîkiya et dans les deux Maghreb, elle dégénéra graduellement et s'éloigna de plus en plus de la perfection. Quand on copiait des livres, c'était sans aucune utilité pour qui- conque voulait les feuilleter; il ne lui en revenait que de la peine et de la fatigue, tant était grand le nombre des fautes et des altérations qui se glissaient dans le texte : à quoi il faut ajouter que les formes des lettres étaient tellement défigurées qu'à grand'peine pouvait-on les lire. Il arriva alors à l'écriture ce qui arrive à tous les arts quand la civilisation de la vie sédentaire a reculé et que l'empire est tombé en décadence. Dieu juge, et personne ne peut contrôler ses jugements. {Coran, sour. xiii, vers. 4i.)

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