D'IBN KHALDOUN. 311
prospérité de la capitale) ce que la forme est pour la matière, c'est-à- dire la figure qui, par sa spécialité, en maintient l'existence. Or, dans les sciences philosophiques, c'est un principe reçu que la forme et la matière ne sauraient être isolées l'une de l'autre; donc, on ne peut concevoir un empire sans population , ni trouver facilement une population qui ne soit pas en connexion avec une dynastie ou un p. 265. empire. La cause de cette liaison existe dans la nature même des hommes : leur hostilité mutuelle' amène nécessairement l'institution d'un modérateur, et, pour que celui-ci puisse agir, on doit adopter un système d'administration fondé, soit sur la loi divine, soit sur la loi humaine'^ : c'est en cela que consiste (le gouvernement ou) l'em- pire. Or, puisque le gouvernement et le peuple sont unis inséparable» ment, tout ce qui porte atteinte à l'un réagit sur l'autre, et si l'un cessait d'exister, l'autre disparaîtrait aussi. Les atteintes qui ont les suites les plus graves sont celles qui frappent une dynastie, comme cela a eu lieu pour les Perses, les Romains et les Arabes en général, tant sous des Oméiades que sous des Abbacides. Les atteintes subies par un empire, dans la période d'un seul règne , tel que celui d'Anou- chrewan, d'Héraclius, d'Abd el-Mélek Ibn Merouan et d'Er-Rechîd, (étaient moins dangereuses pour les dynasties de ces princes) : les individus, se succédant régulièrement dans le gouvernement du peu- ple, travaillaient à maintenir l'existence et la durée de la population et ressemblaient beaucoup les uns aux autres (dans leur conduite po- litique). Les malheurs (d'un seul règne) ne nuisent que peu à la prospérité de l'Etat, car le véritable empire, celui qui agit sur la ma- tière de la population, vit par son esprit de corps et par les forces dont elle peut disposer; or cet esprit et ces forces persistent sous le règne de chaque souverain individuel de la dynastie. Si l'esprit de cox'ps vient à s'éteindre ou se laisse chasser par un autre qui, en exer- çant son influence sur la population, fasse disparaître les forces de la
' Je lis (jI.OJ>-'I, avec l'édition de Bou- où l'auteurexplique l'origine de la royauté.) lac, la leçon ^.1»^]! amenant un contre- ' Littéral. « royale, » c'eslà-dire, insli-
sens. (Voy. la première partie, page 38o, tué par le souverain.
�� �