D'IBN KHALDOUN. 113
du marché, est fournie par les gens de la classe moyenne et des classes inférieures. Cela conduit l'empire vers sa ruine et nuit à la prospérité de la ville ; mais comme le mal s'y fait graduellement, l'on ne s'en aperçoit pas d'abord. Voici donc ce qui arrive lorsque le chef de l'Etat P. loo. emploie de semblables moyens ' détournés pour s'emparer de l'ar- gent. Mais quand l'administration, cédant à un esprit de tyrannie, porte atteinte, de gaieté de cœur, aux biens des sujets, à leur vie, à leurs personnes^, à leur honneur et à celui de leurs femmes, cela ouvre tout de suite une brèche dans (l'édifice de) l'empire et en pré- cipite la chute; car les esprits s'agitent, et l'on se jette dans la ré- volte. La loi avait prévu toutes ces causes de ruine, et, pour les écarter, elle prescrivit la bonne foi ^ dans les achats et les- ventes , et ordonna de ne pas dévorer, sous des prétextes futiles, les biens du peuple, parce qu'elle avait pour but de fermer la porte aux abus qui privent les hommes de leurs moyens de subsistance et qui amènent des insurrections fatales à la prospérité publique.
La cause de toutes ces exactions, c'est la nécessité dans laquelle se trouve le gouvernement ou le sultan d'avoir toujours beaucoup d'argent disponible, afin de pouvoir satisfaire à ses habitudes de luxe et subvenir à toutes ses dépenses. Comme les recettes ordinaires ne suffisent pas pour couvrir ces dépenses , on invente de nouveaux im- pôts et l'on cherche à augmenter le revenu par toutes les voies, afin d'établir l'équilibre entre les rentrées et les déboursés. Mais le luxe ne cesse d'augmenter et de faire accroître les dépenses; le gouverne- ment a de plus en plus besoin de l'argent du peuple, et il en résulte" que l'étendue de l'empire diminue graduellement, que le cercle (de ses frontières) s'efface, que son organisation se dérange et que le pays tombe au pouvoir d'un chef qui a attendu l'occasion de s'en emparer.
' Pour <_>L.,JL, lisez <_>U»iiIj. commerciales, mais avec la signiiicalion
^ Littéral. « à leurs peaux. <• d'adresse, ruse ou tromperie.
' Il est assez singulier que l'auteur se ' Le manuscrit D et l'édition de Bou-
soit servi ici du terme iùoLC»; ce mot lac offrent la leçon (Jl cJUoj (Jj<y-àJ.
s'emploie bien en parlant d'opérations
Prolégomènes. — ii. '5
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