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xc PROLÉGOMÈNES

devant chaque convive une portion convenable. Les uns s'en abstin- rent par scrupule de conscience ; d'autres négligèrent d'y toucher pour se livrer au plaisir de la conversation; mais quelques-uns, et Ibn Khaldoun, du nombre, se mirent à manger de bon appétit

>i Pendant le repas , Tîmour les examinait à la dérobée , et Ibn Khal- doun tournait ses yeux de temps en temps vers le prince, les bais- sant chaque fois que celui-ci fixait ses regards sur lui. Enfin il haussa la voix et parla en ces termes : « Seigneur et émir, je rends grâce à « Dieu tout-puissant; par ma présence (dans ce monde), j'ai donné de « l'illustration aux rois des peuples, et, par mon ouvrage historique, « j'ai fait revivre le souvenir de leurs exploits. J'ai vu beaucoup de « princes arabes, j'ai été à la cour de tel et tel sultan; j'ai visité les « pays de l'Orient et de l'Occident; je me suis entretenu avec les émirs « et les lieutenants qui y commandaient, et maintenant, grâce à Dieu, « j'ai vécu assez longtemps pour voir un véritable roi , un prince qui « sait gouverner. Si les mets qu'on sert chez d'autres princes garan- « tissent du danger celui qui en mange, les vôtres ont, de plus, la « propriété d'ennoblir le convive et de le rendre fier, » Charmé de ces paroles, Tîmour tressaillit de plaisir, et, se tournant vers l'orateur, il négligea toutes les autres personnes pour converser avec lui. Il lui demanda les noms des rois de l'Occident, leur histoire et celle de leurs dynasties, et il écouta avec un vif intérêt tous ces renseignements. »

« Ouéli 'd-Dîn Abd er-Rahman Ibn Khaldoun , le malékite , grand cadi d'Egypte \ composa un très-bel ouvrage historique qui, à ce que j'ai entendu dire à une personne qui l'avait vu, lu et compris, est ré- digé sur un plan entièrement original. C'était un homme d'une grande habileté dans les affaires, et un littérateur du premier ordre. Quant à moi , je n'ai jamais eu l'occasion de le voir. Il vint en Syrie avec les troupes de l'islamisme (l'armée égyptienne), et, lors de leur retraite, il tomba entre les mains de Tîmour. L'affabihté de ce prince l'ayant mis à son aise, il lui dit dans un de leurs entretiens : « Seigneur et « émir, je vous prie, en grâce, de m'accorder l'honneur de baiser cette ' Manger, Vita Timari, t. II, p. 786 et suivantes; Adjaîb el-Macdour, p. 1=1*").

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