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réfuter cette opinion, l'accord général de tous les peuples musul- mans aurait suffi, mais les hommes qui la professaient avaient tant de haine pour la souveraineté et pour ses abus, tels que l'ambition, l'esprit de la domination et l'amour des biens du monde, qu'ils embrassèrent le principe de l'inutilité de l'imamat. Us furent d'autant plus portés à rejeter cette institution, qu'ils trouvèrent dans la loi une foule de passages dirigés contre ces abus et contre ceux qui les pratiquent. Or nous devons faire observer que la loi ne condamne pas la souveraineté ni celui qui l'exerce; elle n'en blâme que les abus, c'est-à-dire , la tyrannie , l'injustice et la sensualité. Personne ne doute P. 347. que la loi ne réprouve les vices qui naissent de la souveraineté, de même qu'elle loue la justice, la modération, le zèle à maintenir les prescriptions de la religion et à la défendre; mais ces vertus peuvent aussi résulter de la souveraineté, et la loi leur assigne ime récom- pense. Il est donc évident que la loi ne condamne pas la souveraineté en elle-même, mais certaines choses qui en dérivent; elle ne cherche pas à l'abolir, de même qu'en blâmant l'appétit irascible et concu- piscible dans les êtres responsables, elle ne veut pas la suppression totale de ces passions qui, au besoin, peuvent avoir des résultats utiles; elle cherche seulement à leur donner une bonne direction. David et Salomon possédaient un royaume sans pareil; ils étaient cependant des prophètes chéris de Dieu. Nous dirions encore à ces personnes : « La souveraineté vous répugne parce que vous la croyez inutile; mais ce motif n'a aucune valeur: vous convenez tous que Ton doit faire observer les prescriptions de la loi; or, pour y par- venir, on est obligé de recourir à l'emploi de la force et de s'appuyer sur un parti dont l'esprit de corps soit bien prononcé. Mais l'esprit de corps conduit à la souveraineté, et voilà la royauté fondée. D'ail- leurs, supposons qu'on ait négligé d'établir un imamat, objet principal de votre aversion, les Compagnons et leurs disciples s'étaient accordés à regarder cette institution comme nécessaire; donc l'obligation d'avoir un imam est imposée à toute la communauté , et c'est aux hommes qui exercent des commandements d'en choisir un et de l'installer dans

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