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384 PROLÉGOMÈNES

de ce qu'ils peuvent faire et, quand il commence une entreprise, il croit deviner, par sa perspicacité \ les suites qu'elle peut avoir. Son administration est donc funeste au peuple. Le Prophète lui-même a dit : « Réglez votre marche sur celle du plus faible d'entre vous. »

A ce sujet, nous rappellerons que la loi n'exige pas dans un ad- ministrateur une trop grande^ pénétration d'esprit. Cette maxime est basée sur ce qui arriva à Zîad, fils d'Abou Sofyan, quand Omar le priva du gouvernement de l'Irac. « Emir des croyants! lui dit Zîad, est-ce pour incapacité ou pour malversation que vous m'avez des- titué? — Ni pour l'un ni pour l'autre, lui répondit Omar; mais je ne veux pas que votre haute intelligence soit un fardeau pour le peuple. » De là on a tiré la conclusion qu'un gouverneur ne devait pas se distinguer par un excès d'intelligence et de pénétration, comme Zîad et Amr Ibn el-Aci. Ces qualités portent à gouverner d'une ma- nière tyrannique et à imposer au peuple des charges qu'il est incapable de supporter. Au reste, nous reviendrons là-dessus vers la fin de cette section. Dieu est le meilleur des maîtres.

De ce qui précède il est évident que, dans un administrateur, une pénétration trop vive est un défaut: c'est un excès d'intelligence, de même que la niaiserie est un excès de naïveté. Or, dans les qualités de l'homme, chaque extrême est également blâmable; le juste milieu P. 342. seul mérite des louanges. Ainsi la générosité tient le milieu entre la prodigalité et l'avarice; la bravoure se place entre la témérité et la lâcheté. Voilà pourquoi ' on dit d'un homme dont l'intelligence est hors du commun : « C'est un démon [cheïtan], un endiablé [motacheï- tan). » Dieu crée ce qu'il veut.

Sur la dignité de khalife et celle d'imam.

Le caractère véritable de l'empire, c'est d'être une réunion d'hommes

fi ' Pour iiA«iLj , lisez "UaxILj. Pour la si- ' Après le mot ïAs , les mss. C , D et l'é-

gnilication du mot t-^alf, voyez un passage dition de Boulac ajoutent j JjI jVf.

d'El-Motarrezi , cité et traduit par de Sacy " Pour tt\Ajj, lisez IjjiJ..

dans sa Chrest. arabe, 2* édit. t. III , p. 202.

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