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territoire jusqu'au moment où il doit succomber, d'après la volonté de Dieu, et perdre même sa capitale. Une dynastie qui se laisse enlever le siège de sa puissance a beau conserver encore ses pro- vinces frontières, elle disparaît du monde ^ à l'instant même. La capitale d'un Etat est, pour ainsi dire, le cœur de l'empire; à l'instar du cœur des animaux, il transmet les esprits vitaux dans tous les membres du corps; si l'on saisit le cœur, on met toutes les extrémités en désarroi.

Voyez, par exemple, la Perse: aussitôt que les musulmans se furent emparés d'El-Medaïn, capitale de cet empire, toute la puissance des Perses fut anéantie. Les provinces frontières étaient cependant restées au pouvoir de Yezdeguird; mais cela ne lui servit de rien. Il en fut tout le contraire de la domination de l'empire grec en Syrie : lorsque les musulmans eurent enlevé ce pays aux Grecs, ceux-ci se retirèrent vers Constantinople, siège de leur empire; aussi la perle de la Syrie ne leur nuisit pas. En effet, leur puissance se maintien- dra jusqu'à ce que Dieu veuille en permettre la cbute. Voyez aussi les Arabes dans les premiers temps de l'islamisme. Gomme ils étaient très-nombreux, ils s'emparèrent facilement des pays voisins: la Syrie, rirac et l'Egypte tombèrent promplement entre leurs mains. Alors ils portèrent leurs armes plus loin et envahirent le Sind, l'Abyssinie, l'Ifrikiya et le Maghreb ; ensuite ils pénétrèrent en Espagne. S'étant fractionnés en bandes, afin d'occuper ces royaumes et de garder ces frontières étendues, ils finirent par perdre de leur force et se trouvèrent dans l'impossibilité de faire de nouvelles conquêtes; aussi l'islamisme se trouva-t-il arrêté dans son progrès et n'alla pas plus loin. Parvenue à cette limite extrême, la domination musulmane commença P. 293. un mouvement rétrograde qui doit continuer jusqu'à ce que Dieu permette la ruine de cet empire. Tel a été le sort des Etats qui se sont formés depuis (l'établissement de l'islamisme); qu'ils aient eu à leur disposition beaucoup de troupes ou peu, aussitôt qu'ils les eurent

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