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314 PROLEGOMENES

De tous les peuples, les Arabes sont les moins capables de gouverner un empire.

Les Arabes sont plus habitués à la vie nomade que les autres peu- ples; ils pénètrent plus loin qu'eux dans les profondeurs du désert, et, étant accoutumés à vivre dans la misère et à souffrir des priva- tions, ils se passent facilement des céréales et des autres produits des pays cultivés. Indépendants et farouches, ils ne comptent que sur eux-mêmes et se plient difficilement à la subordination. Si leur chef a besoin de leurs services, c'est presque toujours pour employer contre un ennemi l'esprit de corps qui les anime. En ce cas, il doit ménager leur fierté et se garder bien de les contrarier, afm de ne pas jeter la désunion dans la communauté; ce qui pourrait amener sa perte et celle de la tribu.

Dans un empire, les choses se passent autrement; le roi ou sul- tan doit employer la force et la contrainte afm de maintenir le bon ordre dans l'Etat. D'ailleurs les Arabes, ainsi que nous l'avons dit, sont naturellement portés à dépouiller les autres hommes : voilà leur grand souci. Quant aux soins qu'il faut donner au maintien du gouvernement et au bon ordre, ils ne s'en occupent pas. Quand ils subjuguent un peuple, ils ne pensent qu'à s'enrichir en dépouillant les vaincus; jamais ils n'essayent de leur donner une bonne admi- nistration. Pour augmenter le revenu qu'ils tirent du pays conquis, ils remplacent ordinairement les peines corporelles par des amendes. Cette mesure ne saurait empêcher les délits; bien au contraire, si un homme a des motifs assez forts pour se porter au crime, il ne se laissera pas arrêter par la crainte d'une amende , qui serait pour lui peu de chose en comparaison des avantages que l'accomplissement de son projet^ pourra lui procurer. Aussi, sous la domination des Arabes, les déhts ne cessent d'augmenter; la dévastation se propage partout; les habitants, abandonnés, pour ainsi dire, à eux-mêmes, s'attaquent entre eux et se pillent les uns les autres ; la prospérité du

' Pour «v-b^ , lisez *-i>»c.

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