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292 PROLÉGOMÈNES

quer les autres. La nécessité d'un tel modérateur résulte de la nature même de l'espèce humaine. Ce chef doit avoir un fort parti qui le soutienne , autren)ent il n'aurait pas la force de maîtriser les esprits. La domination qu'il exerce, c'est la souveraineté, autorité bien supé- rieure à celle d'un chef de tribu, puisque celui-ci ne possède qu'une puissance morale : il peut entraîner les siens, mais il n'a pas le pou- voir de les contraindre à exécuter ses ordres. Le souverain domine sur ses sujets et les oblige à respecter ses volontés par la force dont p. a53. il dispose. Si le chef d'un peuple réussit à se faire obéir quand il donne des ordres, il entre dans la voie de la domination et de l'emploi de la contrainte, voie qu'il ne quitte plus, tant le pouvoir a d'attraits pour les âmes. Afin d'arriver à son but, il s'appuie sur le même corps de dépendants à l'aide duquel il s'était assuré l'obéissance de son peuple. La souveraineté est donc le terme auquel aboutit l'esprit de corps. Dans une tribu composée de plusieurs ' grandes familles, ayant chacune ses intérêts particuliers, il faut qu'une d'elles l'emporte sur toutes les autres par son esprit de corps et les réunisse en un seul fais- ceau. Alors la tribu elle-même ne forme qu'un seul parti. Sans cela la désunion se met dans la communauté, et de là résultent des contes- tations et des querelles intestines : Si Dieu ne contenait^ pas les hommes les ans par les autres, certes la terre serait perdue. {Coran, sour. ii, vers. 2 02.) Un peuple que son chef est parvenu à dompter en se servant de l'influence du parti qui le soutient, ce peuple se laisse porter, par un mouvement naturel, à dominer sur les gens qui lui sont étrangers et qui ont aussi leur esprit de corps. Si le peuple qu'il veut attaquer lui est égal en force et en moyens de résistance , ils demeurent rivaux et antagonistes l'un de l'autre , et chacun * reste maître de son territoire. Cela a lieu pour toutes les tribus et pour tous les peuples du monde. La tribu qui parvient à en dompter une autre ou à s'en faire obéir, l'absorbe dans son sein et augmente ainsi ses propres forces. Alors elle vise à un but plus élevé et , dans sa car- Variante : isyJi/». — ' Le Coran porte «ij, mais Nafê, un des célèbres lecteurs du Coran, lisait ^U.J, comme l'a fait notre auteur. — ' Pour I^à^, lisez LjttX^.

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