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274 PROLÉGOMÈNES

quelle tribu un homme est né, il n'appartient, en réalité, qu'à celle dont il partage le sort et dont il consent à observer les règlements. Une fois incorporé dans la tribu, il tâche de faire oublier qu'il avait appartenu à une autre, et il y réussit au bout de quelque temps, lorsque les personnes auxquelles son origine était connue ont cessé de vivre. Sa véritable origine est alors un secret connu de très-peu de personnes. C'est ainsi que les patronymiques n'ont jamais cessé de se transporter d'une famille à une autre, tant avant qu'après l'islamisme; P. 239. chez les Arabes et chez les peuples étrangers, on a toujours vu des individus s'affilier à des tribus qui n'étaient pas les leurs. Que le lec- teur se rappelle les discussions qui eurent lieu au sujet des Monderites et d'autres familles ; il y reconnaîtra un exemple de ce que nous ve- nons de dire^ En voici un autre : le khalife Omar, ayant nommé Ar- fadja Ibn Herthema au commandement de la tribu de Bedjila, les personnes dont elle se composait le prièrent de révoquer cette no- mination : «Arfadja, disaient-ils, n'était, chez nous, qu'im simple neztf, c'est-à-dire un intrus, un membre parasite; donnez-nous Djerîr pour être notre chef. » Arfadja, étant interrogé par Omar, répondit en ces termes : « Ils ont raison, commandant des croyants, je suis de la tribu d'Azd; mais, ayant tué un de mes parents, j'ai dû m'enfuir chez ces gens et m' attacher à eux. » Voyez comment Arfadja s'affilia aux Bedjilites; il s'assimila à eux, adopta leur patronymique et prit telle- ment pied chez ce peuple qu'il était sur le point d'être nommé leur chef. Si un petit nombre d'entre eus n'avaient pas eu connaissance de son origine, ou s'ils ne se l'étaient pas rappelée, le souvenir de ce fait se serait perdu avec le temps, et Arfadja aurait bien et dûment passé pour un Bedjilite. Le lecteur qui fera attention à cette anecdote en comprendra la portée. C'est par de tels moyens cachés que Dieu agit sur ses créatures. De nombreux faits de cette nature se produisent encore de nos jours, et il en a été de même dans tous les siècles passés.

  • Dans le texte arabe, il faut lire tfUi ^ ' (^ ij^^y^ ^J^i ^0^1 Ji i_>-»J lJ-

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