D'IBN KHALDOUN. 265
toujours soumis à une autorité supérieure, ce qui amène nécessaire- ment (l'un ou l'autre des deux résultats que nous allons signaler). Si l'autorité se distingue par la douceur et la justice, si elle ne fait pas trop sentir sa force et sa puissance coërcitive, ceux qui la su- bissent montrent un esprit d'indépendance qui se règle d'après le de- gré de leur courage ^ Se croyant libres de tout contrôle, ils montrent une présomption qui est devenue pour eux une seconde nature, et ils ne connaissent pas autre chose. Si, au contraire, l'autorité s'ap- puie sur la force et la violence, les sujets perdent leur énergie et leur esprit de résistance; car l'oppression engourdit les âmes, ainsi que cela sera démontré plus loin. Omar (le second khalife) défendit à Saad de se conduire avec violence envers ses subordonnés, et voici à quelle occasion : lors de la bataille de Cadéciya (un de ses officiers nommé) Zehra Ibn Haouwîa se mit à la poursuite d'El-Djalénos^ et, l'ayant tué, le dépouilla (de ses habits et de ses armes). Saad lui re- procha alors d'avoir poursuivi l'ennemi sans y être autorisé, et lui enleva ce riche butin, qui valait, dit-on, soixante et quinze mille pièces d'or. Il écrivit ensuite à Omar pour justifier sa conduite, et reçut une réponse ainsi conçue : » Tu as osé traiter de la sorte un homme comme Zehra, qui a déjà affronté les feux de la guerre, tandis que toi, tu as encore beaucoup à faire pour te distinguer. Tu as donc envie de briser son courage et d'indisposer son cœur contre nous. Rends- lui ces dépouilles. » Sous un gouvernement qui se maintient par la sévérité, les sujets perdent le courage; châtiés sans pouvoir résister, ils tombent dans un état d'humiliation qui brise leur énergie. Si le P. 23 1. souverain travaille à la réformation des mœurs et à l'instruction du peuple; s'il règle la conduite de ses sujets dès l'époque de leur en- fance, cela fait une certaine impression sur leur esprit. Un peuple élevé dès sa jeunesse dans la crainte et la soumission ne se targue pas de son indépendance; aussi trouvons-nous chez les Arabes à demi sauvages qui s'adonnent à la vie nomade un degré de bravoure bien supérieur
' Litléral. « de leur courage et de leur " Voy. sur ce général persan , V Essai
pusillanimité. » de M. Caussin de Perceval, t. III.
Prolégomènes. 34
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