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264 PROLÉGOMÈNES

grands centres de population; habitués aux mœurs farouches que l'on contracte dans les vastes plaines du désert, ils évitent le voisinage des troupes auxquelles les gouvernements établis confient la garde de leurs frontières, et ils repoussent avec dédain l'idée de s'abriter derrière des murailles et des portes; assez forts pour se protéger eux-mêmes, ils ne confient jamais à d'autres le soin de leur défense et, toujours sous les armes, ils montrent, dans leurs expéditions, une vigilance extrême^ Jamais ils ne s'abandonnent au sommeil, excepté pendant de courts instants dans leurs réunions de soir, ou pendant qu'ils voyagent, montés sur leurs chameaux; mais ils ont toujours l'oreille attentive afin de saisir le moindre bruit du danger. Retirés dans les solitudes du désert et fiers de leur puissance , ils se confient à eux- mêmes et montrent par leur conduite que l'audace et la bravoure leur sont devenues une seconde nature. A la première alerte, au premier cri d'alarme , ils s'élancent au milieu des périls , en se fiant à leur courage. Les citadins qui vont se mêler à eux, soit dans le désert, soit dans les expéditions militaires, leur sont toujours à charge, étant incapables de rien faire par euî^-mêmes, ce dont on peut s'assurer de ses propres yeux. Ils ignorent la position des lieux et des abreu- voirs; ils ne savent pas à quels endroits les chemins du désert vont aboutir. Cette ignorance provient de ce que le caractère de l'homme dépend des usages et des habitudes, et non pas de la nature ou du tempérament. Les choses auxquelles on s'accoutume donnent de nouvelles facultés, une seconde nature, qui remplace le naturel inné. Examinez ce principe, étudiez les hommes, vous reconnaîtrez qu'il est presque toujours vrai. Dieu crée ce qu'il veut; il est le créateur, l'être savant [Coran, sour. xv, vers. 86).

p. sSo. La soumission aux autorités constituées nuit à la bravoure des citadins et leur enlève

la pensée de se protéger eux-mêmes.

Personne n'est maître de ses actions, à l'exception d'un petit nom- bre de chefs, qui commandent aux autres hommes. On est presque ' Litlérai. « ils tournent leurs regards de tous les côtés , vers les chemins. •

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