Page:Ibn Khaldoun - Prolégomènes, Slane, 1863, tome I.djvu/354

Cette page n’a pas encore été corrigée

230 PROLEGOMENES

choses surprenantes, parce qu'aucune considération ne les retient. Aussi peuvent-ils donner carrière à leur langue et fournir des ren- seignements merveilleux.

Quelques légistes ont refusé d'admettre que les idiots puissent atteindre à aucun état (extatique), parce qu'à leur égard, disent-ils, le devoir a cessé d'être une obligation, et la faveur de Dieu ne peut s'acquérir que par la pratique de la dévotion. Cette opinion est cer- tainement erronée, puisque la faculté dont il s'agit est une de ces grâces que Dieu accorde à qui il veut [Coran, sour. v, vers. Ôg), et, pour obtenir sa faveur, l'emploi de la dévotion ou de tout autre moyen n'est pas nécessaire. En eifet, l'âme humaine est impérissable, et Dieu peut donner à tout homme des marques spéciales de sa bonté. Chez les idiots l'âme intelligente n'a pas cessé d'exister; elle n'a pas subi d'altération fâcheuse comme cela est arrivé aux insensés; rien ne leur manque excepté la raison \ seule faculté par laquelle l'homme est soumis aux obligations du devoir. La raison, qualité distinctive de l'âme, se compose de connaissances dont l'homme ne saurait se passer et qui le mettent en état d'avoir des vues justes, d'apprendre les moyens d'assurer son existence et de se faire une position convenable dans le monde. Nous sommes donc porté à croire que l'homme capable de penser à ses moyens d'existence n'a aucun prétexte pour se soustraire aux obligations de la religion, s'il veut obtenir un bon accueil dans l'autre vie. La personne à qui cette qualité manque n'est pas, pour cela, dépourvue d'âme ni privée de P. 202. la conscience de son individualité; pour elle, l'individualité existe, mais elle ne possède pas la raison , faculté qui impose des devoirs et qui consiste en la connaissance des moyens qu'il faut employer pour subsister. Ce que nous venons d'exposer n'ofl're rien d'absurde , car Dieu, lorsqu'il choisit un de ses serviteurs afin de lui communiquer la connaissance (la félicité parfaite), ne tient aucun compte de la manière dont cet homme a rempli ses devoirs.

' Dans lout ce paragraphe, l'auteur emploie le terme Jau {intelligence) pour désigner la raison.

�� �