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224 PROLÉGOMÈNES

manière dont il s'exprime , qu'étant peu versé dans ce genre de con- naissances il rapporte indifféremment ce qu'il en a entendu dire aux gens capables et aux ignorants.

Ces diverses manières d'obtenir des perceptions du monde spiri- tuel ont toujours existé pour l'espèce humaine. Les anciens Arabes avaient recours aux devins toutes les fois qu'ils voulaient connaître les événements futurs; quand ils avaient des contestations, ils s'a- dressaient à un devin, et celui-ci leur faisait connaître le bon droit à la suite des perceptions qu'il recueillait dans le monde invisible. Les ouvrages consacrés aux belles-lettres nous offrent plusieurs faits de ce genre. Dans les temps de l'ignorance (avant la mission de Mo- hammed), deux individus s'étaient illustrés par leurs talents comme devins : l'un se nommait Chicc et l'autre Satih; le premier appartenait à la tribu d'Anmar Ibn Nizar, et le second à celle de Mazen Ibn Ghas- san. Le corps de Satîh pouvait se plier comme on plie un drap, P. 197- car il ne renfermait aucun os, à l'exception du crâne ^. Parmi les his- toires que l'on raconte à leur sujet, on remarque surtout celle de la manière dont ils expliquèrent le songe de Rebîah Ibn Nasr^, à qui ils annoncèrent que le Yémen, après avoir été conquis par les Abys- sins, passerait sous la domination du peuple arabe descendu de Mo- der. Ils prédirent aussi l'apparition de Mohammed chez les Coreich en qualité de prophète. Indiquons encore le songe du Moubedan ^, qui fut expliqué par Satîh. Risra (Cosroës) avait chargé Abd el-Ma- sîh d'aller raconter sa vision à Satîh, et celui-ci annonça la venue du Prophète et la chute de l'empire persan.

Les anciens Arabes avaient aussi parmi eux un grand nombre de sachants [arraf); ils en ont même fait mention dans leurs vers. Un de leurs poètes a dit:

' Selon les traditions les plus authen- ^ Voy. Y Essai de M. Caussin de Perce- tiques , Satîh avait prédit la mission divine val , t. I , p. 96 , et le Sîret er-Rasoul, p. 9 de Mohammed. C'est probablement pour et suiv.

cette raison qu'Ibn Khaldoun ne nie pas ' Voy. les Annales Maslemici d'Abou'l-

son existence, feda, 1. 1, p. 7.

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