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atteindre aux connaissances qu'elle désire recueillir dans le monde de la vérité; de temps en temps elle peut y jeter un coup d'œil ra- pide et trouver ce qu'elle cherche. Voilà pourquoi le législateur a rangé ' les songes parmi les pronostics. "En fait de prophétisme, disait-il, rien n'était resté excepté les pronostics. » On lui demanda ce qu'il entendait par ce dernier mot, et il répondit : « C'est la vision sainte; l'homme saint la voit, ou bien, elle se fait voir à lui. »

Je vais maintenant expliquer comment le voile des sens est écarté par le moyen du sommeil. L'âme raisonnable ne peut comprendre ni agir que par l'intermédiaire de l'esprit vital ^ du corps, vapeur lé- P. 188. gère qui a pour siège le ventricule gauche du cœur. C'est ce que nous lisons dans les traités d'anatomie composés par Galien et autres médecins. Cette vapeur, étant renvoyée avec le sang dans les veines et les artères, produit la sensation, le mouvement et les autres fonc- tions du corps. Sa partie la plus déliée s'élève jusqu'au cerveau, dont elle tempère la nature froide et dont elle anime les facultés inté- rieures, de sorte qu'elles puissent exercer toute leur action. L'âme raisonnable ne saurait percevoir ni agir sans l'aide de cet esprit vi- tal, auquel, du reste, elle est intimement attachée. Cette liaison étroite est un résultat du principe qui a réglé la formation des êtres, savoir : « le délié ne fait pas impression sur l'épais. » Or, puis- que cet esprit vital est la plus déliée des matières qui entrent dans la composition du corps, elle est sujette aux impressions de l'essence qui diCFère d'elle par l'absence de corporéité ; ce qui veut dire que l'âme raisonnable opère sur le corps par l'intermédiaire de cet esprit. Nous avons déjà fait observer que, dans l'âme, la per- ception se fait de deux manières : par les moyens externes, c'est-à- dire les cinq sens, et par les moyens internes, qui sont les facultés du cerveau. Ces deux genres de perceptions préoccupent l'âme et l'empêchent d'apercevoir les essences spirituelles qui se trouvent dans

' L'édil. de Boulac porte ^i*^ iAJôJ^ , Paris , Jji=>. L« i^ô^j ■ En tout cas, la par- ieçou préférable à celle des manuscrits, licule L» est pléonastique. l^Liak L» ciUoJj , et à celle de l'édition de ' vi'j^ signifie aussi animal.

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