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D'IBN KHALDOUN. 189

Un autre signe consiste dans des manifestations surnaturelles qui viennent confirmer la véracité de ces envoyés; ce sont des actions au-dessus du pouvoir de l'homme ej justement nommées pour cette raison modjiza (choses qui défient la puissance de l'homme). Elles n'appartiennent pas à la catégorie des choses que Dieu a mises au pouvoir de l'homme; au contraire, elles s'opèrent dans un domaine qui est en dehors de sa puissance.

Il existe une divergence d'opinion au sujet de la manière dont les miracles ont lieu, et de la nature de la preuve qu'ils fournissent en faveur de la véracité des prophètes. Les théologiens dogmatiques \ s'appuyant sur la doctrine qu'il n'y a qu'un seul agent libre-, en- seignent qu'ils s'opèrent par la puissance de Dieu, et que le pro-

��' En arabe El-Motekaîlemtn , terme qui s'emploie pour désigner les scolastiques de l'islamisme. Ils appartenaient ordinai- rement à l'école d'El-Achàri et professaient la prédestination absolue, tout en recon- naissant aux hommes le libre arbitre (ikhttar). Ils enseignaient aussi l'existence des attributs de Dieu, distincts de son essence, et reconnaissaient l'éternité du Coran, quant au sens (mâna) de ce livre, mab non pas quant aux. termes qui en expriment le sens [eïbarat). (Voy. le Me- waÂT!/" d'ElIdji , p. fF de l'édition de la cinquième et de la sixième section de cet ouvrage, publiée à Leipzig par M. Soeren- sen, en 18A8.)

' Selon les théologiens dogmatiques, les actions de l'homme sont ikhitariya (c'est-à-dire elles dépendent de son li- bre arbitre), mais s'opèrent par la puis- sance de Dieu; celle de l'homme n'ayant aucune influence dans leur exécution. {Mewa/iif, page l-e.) Quant aux mira- cles , ce sont des actions de l'agent qui a le libre arbitre [El-jâÛ el-mokhlar) ; il les manifeste par l'entremise (à la lettre, par

��la main) du prophète dont il veut dé- montrer la véracité, et pour se confor- mer au désir de ce prophète. (Meivakif, p. I Vf.) — Quant aux actions de l'homme , ces docteurs enseignent que Dieu a pour habitude de faire exister dans l'homme une puissance et un libre arbitre; puis, s'il n'y a pas d'empêchement (insurmontable, comme le serait une impossibilité phy- sique ou morale), il produit dans l'homme l'acte déjà prédestiné , en l'associant à cette puissance et à ce libre arbitre qui se trouvent dans l'homme. De cette manière , les actions des hommes sont créées par Dieu et leur sont imputables [meksoub]. [Mewakif, p. l-<5.) — L'expression Dieu a pour habitude (ou à la lettre, il fuit courir l'habitude) est employée par les docteurs orthodoxes afin de faire entendre que la volonté de Dieu est libre et qu'elle n'est régie par aucune loi. Si l'on admettait que Dieu agit toujours d'après des lois invariables, on serait obligé de convenir que sa volonté est bornée et qu'il n'a pas le libre arbitre. Dieu est donc l'agent libre.

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