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même chez les peuples du désert, qui sont habitués à supporter la faim : leurs corps n'offrent aucune trace d'humeurs, ni épaisses, ni ténues. Dans les pays où l'abondance domine, la religion et l'esprit de dévotion en éprouvent l'influence. Parmi les gens de la campagne et de la ville, ceux qui mènent une vie frugale, et qui sont habitués à supporter la faim et à renoncer aux plaisirs, sont plus religieux, plus disposés à s'adonner à une vie dévote que les hommes opulents et abandonnés au luxe. Les cités et les grandes villes renferment peu d'hommes religieux, attendu que, dans ces lieux, régnent générale- ment une insensibilité de cœur et un esprit d'indifférence qui provien- nent de l'usage trop abondant de la viande, des assaisonnements et P. i6i. de la farine; aussi les hommes dévots et austères se rencontrent sur- tout parmi les habitants de la campagne , accoutumés à la vie frugale '. Dans une même ville, on reconnaît que l'influence de la nourriture sur les hommes varie selon les fluctuations du luxe et de l'aisance; ainsi voyons-nous, non-seulement dans la population des villes, mais dans celle des campagnes, que les hommes habitués à vivre dans l'abondance et à se plonger dans les plaisirs sont les premiers à suc- comber lorsque quelques années de sécheresse ont amené chez eux la famine et la mort. C'est ce qu'on observe parmi les Berbers du Maghreb, les habitants de la ville de Fez et ceux du Caire, à ce qu'on m'a dit. Il n'en est pas ainsi des Arabes qui habitent les déserts et les solitudes, ni de la population des pays de palmiers, qui se nour- rit, presque exclusivement , de dattes; ni des habitants actuels de l'Ifrî- kiya , qui vivent presque entièrement d'orge et d'huile ; ni des Espagnols (musulmans), dont les principaux aliments sont le dorra et l'huile. La sécheresse et la famine ne font pas autant de mal à ceux-ci qu'aux gens qui vivent dans le luxe; la mortalité causée par la faim n'y est pas aussi considérable; que dis-je, il ne s'en présente pas un seul cas. Voici, ce me semble, la cause de cette différence : chez les hommes qui vivent dans l'abondance et qui sont accoutumés à l'usage des assaisonne- ments, et surtout du beurre, les intestins contractent une humidité ' Pour ^;;:ji-i>LiL lisez (jOiJjLA.iLj.

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