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178 PROLÉGOMÈNES

bien! ces mêmes hommes, ces habitants du désert, chez lesquels manquent entièrement les grains et les assaisonnements, surpassent, en qualités physiques et morales, les habitants du Tell, qui vivent dans une grande aisance; leur teint est plus frais, leurs corps sont plus sains et mieux proportionnés; ils montrent une plus grande égalité de caractère et une intelligence plus vive quand il s'agit de bien saisir et d'apprendre ce qu'on leur enseigne. C'est ce que l'expérience dé- montre à l'égard de chacun de ces peuples; aussi voyons-nous une grande différence, sous ce rapport, entre les Arabes (nomades) et les Berbers, entre les tribus voilées et les habitants du Tell. Celui qui voudra examiner ce fait en reconnaîtra l'exactitude.

Voici , ce me semble , la cause de ce phénomène : l'excès de nourri- ture et les principes humides renfermés dans les aliments excitent, dans les corps , des sécrétions superflues et pernicieuses qui pro- duisent un embonpoint excessif et une abondance d'humeurs pec- P-iSg. cantes et corrompues. Cela amène une altération du teint et enlève aux formes du corps toute leur beauté en les surchargeant de chair. Ces principes humides obscurcissent l'esprit et l'intelligence par l'ef- fet des vapeurs pernicieuses qu'elles envoient au cerveau ; de là ré- sultent l'engourdissement de l'esprit, la nonchalance et un grave écart de l'état normal. La justesse de ces observations se reconnaît à l'examen des animaux qui habitent les déserts et les terrains stériles. Comparez les gazelles, les antilopes, les autruches, les girafes, les ânes sauvages et les bœufs sauvages avec les animaux des mêmes es- pèces qui habitent le Tell, les plaines fertiles et les gras pâturages. Quelle différence énorme existe entre eux pour ce qui concerne le poli de la peau, l'éclat du pelage, les formes du corps, la juste pro- portion des membres et la vivacité de l'intelligence! La gazelle est sœur de la chèvre; la girafe est sœur du chameau; l'âne et le bœuf sauvages sont identiques avec fane et le bœuf domestiques. Voyez cependant la différence qui existe entre ces animaux! La cause en est que la fertilité du Tell a suscité dans les corps des animaux domes- tiques des sécrétions superflues et nuisibles, des humeurs corrom-

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