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région et de son atmosphère. Cette chaleur s’y est fortement développée parce que leur pays est très-reculé vers le sud, loin des hauts plateaux et des terres labourables. Chez les habitants de l’Egypte, contrée qui est à peu près dans la même latitude que le Djerîd, on peut remarquer avec quelle facilité ils s’abandonnent à la joie, à la légèreté d’esprit et à l’imprévoyance. C’en est au point qu’ils ne font aucune provision de vivres ni pour un an , ni pour un mois, et qu’ils achètent au marché tout ce qu’ils mangent. La ville de Fez, dans le Maghreb, ofl’re un exemple tout contraire aux précédents : étant entourée de plateaux très-froids, on y voit les habitants marcher, la tète baissée, comme des gens accablés de tristesse, P. 157. et l’on peut remarquer jusqu’à quel point extrême ils portent la prévoyance. Cela va si loin qu’un individu entre eux mettra en réserve une provision de blé suffisante pour plusieurs années et, plutôt que de l’entamer, il ira, chaque matin, au marché pour acheter sa nourriture journalière. Si l’on continue ces observations, en les dirigeant vers les autres climats et les autres pays, on trouvera partout que les qualités de l’air exercent une grande influence sur celles de l’homme. Dieu est le créateur et l’Etre qui sait tout. [Coran, sourate xxxvi, verset 81.) *

Masoudi avait entrepris de rechercher la cause qui produit, chez les Nègres, cette légèreté d’esprit, cette étourderie et ce penchant extrême à la gaieté; mais, pour toute solution, il ne rapporte qu’une parole de Galien et de Yacoub Ibn Ishac El-Kindi [1], d’après laquelle ce caractère tient à une faiblesse du cerveau, d’où proviendrait une

  1. Abou Youçof Yacoub Ibn Ishac, surnommé El-Kindi parce qu’il appartenait à la tribu arabe de Kinda, florissait sous les règnes d’El-Mamoun et d’El-Motacem ; il vivait encore à la fin du règne d’El Motewekkel, en l’année 247 (861 de J. C.). On trouvera dans la Bibl. ar.-hisp. de Casiri, t. I, p. 352 et suiv. la liste de ses nombreux ouvrages. Les sujets qu’il traita étaient la philosophie, la logique, l’arithmétique, l’astronomie, l’astrologie, la géométrie, la médecine, la politique et l’optique. M. de Sacy lui a consacré une longue note dans son Abdallalif, p. 487 et suiv. M. Fluegel vient de publier, aux frais de la Société asiatique allemande, une notice sur El-Kindi et ses écrits.