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D’IBN KHALDOUN.


entre dans la classe des actes purement facultatifs. Dieu est celui qui seconde les hommes par sa grâce.

La réunion des hommes en société étant accomplie, ainsi que nous l’avons indiqué, et l’espèce humaine ayant peuplé le monde, un nouveau besoin se fait sentir, celui d’un contrôle puissant qui les protège les uns contre les autres; car l’homme, en tant qu’animal, est porté par sa nature à l’hostilité et à la violence. Les armes dont il se sert pour repousser les attaques des animaux brutes ne suffisent pas à le défendre contre ses semblables, attendu qu’ils ont tous ces armes à leur disposition. Il faut donc absolument un autre moyen qui puisse empêcher ces agressions mutuelles. On ne saurait trouver ce modérateur parmi les autres espèces d’animaux, parce que ceux-ci sont loin d’avoir autant de perceptions et d’inspirations que l’homme; aussi faut-il que le modérateur appartienne à l’espèce humaine et qu’il ait une main assez ferme, une puissance et une autorité assez fortes pour empêcher les uns d’attaquer les autres. Voilà ce qui constitue la souveraineté. P. 72. On voit, d’après ces observations, que la souveraineté est une institution particulière à l’homme, conforme à sa nature, et dont il ne saurait se passer. On la retrouve, s’il faut en croire les philosophes, chez certaines espèces d’animaux tels que les abeilles et les sauterelles, parmi lesquelles on a reconnu l’existence d’une autorité supérieure, de l’obéissance et de l’attachement à un chef appartenant à leur espèce, mais qui se distingue par la forme et la grandeur du corps. Mais, chez les êtres qui diffèrent de l’homme, la chose existe par suite de leur organisation primitive et de la direction divine, et ne provient pas d’un effet de la réflexion ni par l’intention de se procurer une administration régulière. Dieu a donné à tous les êtres une nature spéciale, puis il les a dirigés. (Coran, sour. xx, vers. 52.)

Les philosophes enchérissent sur cet argument, lorsqu’ils veulent établir, au moyen de preuves fournies uniquement par la raison, l’existence de la faculté prophétique, et démontrer qu’elle appartient à l’homme, comme inhérent à sa nature. Ils poussent cet argu-
Prolégomènes.
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