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D'IBN KHALDOUN. 59

transmis à leurs enfants. La domination des Arabes passa à son tour ; les jours de leur prospérité s'écoulèrent, et les anciennes générations qui avaient fondé la gloire de leur nation et la puissance de leur em- pire cessèrent d'exister. L'autorité devint le partage de peuples étrangers, tels que les Turcs dans l'Orient, les Berbers dans l'Occi- dent, les Francs dans le Nord. La chute (de la puissance arabe), ayant entraîné celle de plusieurs autres peuples, amena un nouvel état de choses et fit disparaître certains usages dont on a oublié maintenant le caractère et l'existence. Selon l'opinion générale, la cause qui pro- duit ces changem'ents dans les mœurs et les coutumes, c'est l'em- pressement de chaque nation à imiter les habitudes de son prince , ainsi que le dit cette maxime proverbiale : « Les hommes suivent la religion de leur roi. » Lorsqu'un prince ou un chef puissant s'empare de l'autorité souveraine , il ne manque jamais d'adopter presque tous les usages de son prédécesseur, sans toutefois renoncer à ceux de sa propre nation; de là il résulte que les coutumes de la nouvelle mo- narchie diffèrent, en quelques points, de celles de la nation qu'elle a remplacée. Qu'un nouveau changement survienne, la dynastie qui s'élève ensuite fait aussi un mélange des usages établis avec ceux qui lui sont personnels, d'où il résulte une altération des coutumes pré- cédentes, et surtout de celles de la première dynastie. Ce change- ment va toujours en augmentant et aboutit à une dissemblance en- tière. Ainsi , tant que des peuples et des nations se succéderont dans P. 46. l'exercice de la souveraineté et dans la possession de l'empire, leur manière d'être et leurs mœurs subiront toujours de nouvelles mo- difications.

On sait que l'homme est naturellement porté à fonder des juge- ments sur des analogies et des ressemblances. Ce procédé n'est pas à l'abri de l'erreur, et, lorsque Tétourderie et le défaut de réflexion ' s'y joignent, il écarte ceux qui l'emploient du but qu'ils se proposent, et les détourne de ce qui fait l'objet de leurs recherches. Celui qui

' A la place de ,j£ Ji^tj, les manuscrils porlent qC *Aft»Jlj, qui est la bonne leçon.

8.

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