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D'IBN KHALDOUN. 21

quement sur Timaginalion et l'erreur, elles ressemblent parfaitement aux fables composées par les conteurs de profession. En effet l'em- pire des Tobbâ était renfermé dans la presqu'île des Arabes, et leur capitale, le siège de leur puissance, était Sanâ, ville du Yémen. Or - la presqu'île des Arabes est, de trois côtés, environnée par la mer; au midi, elle a la mer de l'Inde; à l'orient, la mer de Perse, qui se détache de l'océan Indien et s'étend vers Basra ; à l'occident , la mer de Suez, qui sort de ce même océan et se prolonge jusqu'à Suez, P. i5. l'un des districts de l'Egypte. On peut vérifier cela à l'inspection d'une carte géographique. Celui qui veut se rendre du Yémen au Maghreb n'a d'autre route à prendre que celle de Suez, et la dis- tance entre la mer de cette ville et celle de la Syrie est, tout au plus, de deux journées de marche. Or il est invraisemblable qu'un roi puissant, à la tète d'une armée nombreuse, puisse suivre une pareille route, à moins que le pays ne lui appartienne. Dans la règle ordinaire, un fait de ce genre n'est guère possible. Qu'on se rappelle aussi qu'à cette époque les Amalécites habitaient ce territoire, que les Cananéens occupaient la Syrie, et les Coptes l'Egypte. Plus tard, les Amalécites s'emparèrent de l'Egypte, et les enfants d'Israël firent la conquête de la Syrie. Or aucune tradition ne nous dit que les Tobbâ aient fait la guerre à l'un ou à l'autre de ces peuples, ni pos- sédé aucune portion de ces contrées. De plus, la distance qui sépare le Yémen du Maghreb est très-considérable, et il faut, pour des trou- pes, une quantité énorme de vivres et de fourrages. Lorsque l'on marche à travers un territoire dont on n'est pas le maître , on est obligé d'enlever les grains et les troupeaux , de piller toutes les lo- calités par où l'on passe; et encore, d'ordinaire, on ne peut se pro- curer ainsi une quantité suffisante de provisions et de fourrage. Si l'on veut emporter avec soi, de son pays, ces objets essentiels, on ne peut trouver assez de bêtes de somme. Il faut donc, pour se procurer des vivres, traverser des pays que l'on possède, ou dont on vient de faire la conquête. Si l'on prétend que les armées passaient au milieu de ces peuples sans les irriter par aucune hostilité, et

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