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kharadj). C’est là un orgueil bien faux, car la souche berbère a produit un certain nombre de branches qui ont montré un esprit national aussi fort, plus fort même que celui des Zenata. Telles étaient les tribus de Hoouara el de Miknaça ; telles étaient encore les tribus de Ketama et de Sanhadja, peuples qui enlevèrent un empire aux Arabes ; telles étaient aussi les tribus masmoudiennes qui arrachèrent le pouvoir aux Sanhadja [almoravides]. Ces quatre peuples étaient phis puissants et plus nombreux que les Zenata ; mais quand ils eurent épuisé leurs forces, ils tombèrent sous le joug du vainqueur et eurent à subir l'impôt. Il en est résulté que, de nos jours, le nom de berbère est devenu le synonyme de contribuable. Pour éviter le déshonneur d’une pareille dénomination, les Zenata se sont donné, par amour-propre, une origine arabe ; choisissant expressément une race des plus illustres, race qui a la gloire de pouvoir compter les Prophètes au nombre de ses membres. Cet avantage appartient surtout à la branche de Moder, car celui-ci descendait d’Ismaîl, fils d’Abraham, fils de Noé, fils de Seth, fils d’Adam, cinq prophètes dont les Berbères ne retrouvent pas les noms dans leur généalogie en la faisant remonter à Cham. Bien plus, en reconnaissant Cham pour leur aïeul, ils se placent en dehors de la descendance d’Abraham, troisième père de l’espèce humaine. On sait que la plupart des peuples de la terre sortent de lui et que ceux qui remontent leur origine à un autre ancêtre sont peu nombreux. Ajoutons à cela l’honneur d’appartenir à la nation arabe, peuple qui, dans la vie solitaire du désert, s’est distingué par la farouche noblesse de sa conduite et par un caractère sans reproche. Les Zenata devaient nécessairement se complaire à lier parenté avec une telle race, et leurs généalogistes ont arrangé la fable de leur mieux.

Ce sentiment manquait de justesse. La gloire et la puissance, marques distinctives de la race zenatienne, ne subissent aucune atteinte de ce que ce peuple soit berbère d’origine. Plusieurs tribus berbères ont joui des mêmes avantages et cela à un degré qui les plaçait bien au-dessus des Zenata. Que les hommes se distinguent les uns des autres par la diversité de leur caractère,