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LII
INTRODUCTION.

Ce prince l’accueillit avec une bonté extrême et le fit escorter au camp du sultan qui se dirigeait alors vers le Belad-el-Djerîd. Le monarque hafside reçut notre historien avec un empressement plein de bienveillance ; il le consulta même sur des affaires d’état, et l’autorisa à partir pour la capitale, où le lieutenant-gouverneur venait de recevoir l’ordre de le traiter avec tous les égards possibles. Quand Ibn-Khaldoun fut installé dans son logement à Tunis, il y fit venir sa famille, et après la rentrée du sultan, il eut l’honneur d’être présenté à la cour. « Dès ce moment, dit-il, le sultan me témoigna les plus hauts égards et m’admit, non seulement à ses réceptions, mais à des entretiens secrets. Les courtisans virent de mauvais œil la confiance dont le prince m’honorait, et ils travaillèrent à me desservir auprès de lui. » Il trouva encore un ennemi dans un ancien condisciple, le mufti Ibn-Arafa. Tous ces gens se mirent d’accord pour le calomnier et pour le perdre, mais le sultan ne fit d’abord aucune attention à leurs délations.

« Comme ce prince désirait acquérir de nouvelles connaissances dans les sciences et l’histoire, il me chargea, dit Ibn-Khaldoun, de travailler à l’achèvement de mon grand ouvrage sur les Berbères et les Zenata ; aussi, quand je l’eus terminé et mis en ordre tous les renseignements qu’il m’avait été possible de recueillir sur les Arabes et les Berbères, ainsi que sur les temps antéislamiques, j’en fis une copie pour sa bibliothèque. »

Dans cette intervalle, les courtisans, excités par Ibn-Arafa, réussirent à faire croire au sultan que son protégé était un homme dangereux dont il devait craindre les intriques ; aussi, ce monarque, qui était alors sur le point d’entreprendre une nouvelle expédition, préféra emmener Ibn-Khaldoun dans sa suite que de le laisser à Tunis. En l’an 784, il fit encore les préparatifs d’une expédition, et comme notre historien craignait la répétition de ce qui lui était déjà arrivé, il demanda la permission de s’en aller à la Mecque. Ayant obtenu le consentement du monarque, il se rendit au port, suivi des personnages les plus éminents de l’empire et entouré d’une foule d’étudiants. Leur