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APPENDICE.

des troupes. » — « Cette mesure ne vous profiterait pas, lui répondirent-ils ; car le peuple désapprouverait une telle conduite. » Voyant qu’il ne pouvait rien espérer d’eux, il leva la séance. Les assistants firent connaître le résultat de cette conférence à la foule qui s’était rassemblée autour du palais. Aussitôt la lie du peuple s’ameuta contre Ibrahîm et l’accabla d’injures : « Allez-vous en lui crièrent-ils ; laissez-nous nous n’avons aucun besoin de vous ! nous ne voulons pas être à vos ordres. » Ibrahîm n’eut pas plutôt entendu ces paroles qu’il saisit ses armes, et, suivi de ses compagnons qui avaient imité son exemple, il se précipita hors de la porte, mit la canaille en déroute, et s’élançant sur son cheval, il partit au grand galop avec ses amis. Les gens de la ville les poursuivirent en leur lançant des pierres. Tous les chefs qui n’avaient pas accompagné Zîadet-Allah, et qui craignaient pour leur propre sûreté, s’empressèrent de joindre Ibrahîm, et ils se rendirent tous auprès de leur souverain. Le Chîite vint alors occuper Raccada, et ainsi finit la dynastie des Aghlebides.

§ LIV. — ZIADET-ALLAH FAIT MOURIR IBN-ES-SAÏGH. IL SE REND EN ORIENT OU IL FINIT SES JOURS.

L’historien dit : Zîadet-Allah avait déjà quitté Raccada quand Ibrahîm-Ibn-Abi-’l-Aghleb vint le joindre avec tous les hommes qu’il avait pu rallier autour de lui. Le prince se vit ainsi entouré d’une troupe nombreuse et se dirigea vers Tripoli. À son arrivée dans cette ville, il fit chercher Ibn-es-Saïgh et, ne le trouvant pas, il demeura convaincu de la vérité des insinuations qu’on avait dirigées contre ce vizir au sujet de la correspondance qu’il aurait entretenue avec le Chîite. Les compagnons de Zîadet-Allah renouvelèrent alors leurs accusations, et ils parlaient encore de la trahison du vizir quand ce ministre vint débarquer à Tripoli, où le navire, qui devait le porter en Sicile, avait été poussé par des vents contraires. Il alla tout de suite trouver le prince, qui lui reprocha amèrement de ne l’avoir pas accompagné, mais il parvint à se justifier en lui répondant qu’il s’était chargé d’une quantité de ballots trop lourds pour être transportés par terre. Les com-