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EN-NOWEIRI.

Il accorda à Abou-’l-Abbas-Mohammed-Ibn-el-Asoued-es-Sedîni les places de cadi et gouverneur de Cairouan, et le chargea aussi de surveiller la conduite des agents du gouvernement et des percepteurs de l’impôt. Dans l’exercice de ses fonctions, Es-Sedîni montra un grand zèle pour le maintien des bonnes mœurs et la suppression du vice ; il déploya dans ses jugements une extrême sévérité contre les officiers du gouvernement, et il se montra plein de bonté envers les pauvres et les opprimés. Comme légiste, ses connaissances étaient assez bornées, ce qui l’obligeait à consulter très-souvent les docteurs de la loi, et il ne prononça jamais un jugement qui fût contraire à l’avis du cadi Ibn-Abdoun. Toutefois, il professait ouvertement le faux dogme de la création du Coran[1], et cela suffisait pour le faire détester par le public. Abou-’l-Abbas n’avait régné que peu de temps quand il fut tué, pendant son sommeil, par trois de ses eunuques, à l’instigation de son fils Zîadet-Allah. Les assassins allèrent ensuite trouver le jeune prince, amenant avec eux un serrurier pour détacher ses fers ; mais quand il s’entendit saluer comme chef de l’empire il craignit que ces gens ne fussent des émissaires secrets de son père et repoussa leurs soins empressés. Alors, ils allèrent couper la tête d’Abou-’l-Abbas, et ils la lui apportèrent la même nuit. A la vue de cette preuve de leur véracité, il fit rompre ses fers et sortit de prison. L’assassinat d’Abou-’l-Abbas eut lieu la veille de mercredi, 29 Châban de l’an 290 (juillet 903)[2]. Depuis le départ d’Ibrahîm pour la Sicile jusqu’à sa mort, Abou-’l-Abbas avait régné un an et cinquante-deux jours ; et à partir de l’époque où la mort de son père le rendit maître absolu de l’empire jusqu’au moment où il succomba lui-même, il avait régné neuf mois et treize jours. Il était remarquable pour sa bravoure, ses talents militaires, et son habileté en dialectique. Dans cette dernière science il avait eu pour maître Abd-Allah-Ibn-el-Acheddj.

  1. Les musulmans orthodoxes considèrent le Coran comme incréé, en tant qu’il est la parole éternelle de Dieu.
  2. Abou-’l-Abbas fut assassiné à Tunis. Il s’était hautement distingué par son esprit cultivé, sa bravoure, sa justice et son habileté comme militaire. — (Ibn-el-Athîr.)