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APPENDICE.

quand sa mère lui dit : « Voulez-vous qu’elles vous suivent chez vous ? elles se tiendront à la tête de votre lit et vous procureront des distractions ; car il y a longtemps que vous êtes resté sans compagne. » — « Je le veux bien ; » répondit-il. Il se retira alors, suivi des deux jeunes filles, et en moins d’une heure, un esclave vint chez la mère d’Ibrahîm, portant sur sa tête un plateau recouvert d’une serviette. Elle s’imagina que c’était un cadeau de la part de son fils : quand l’esclave déposa le plateau devant elle et enleva la serviette, que vit-elle ? les têtes de ces deux jeunes filles. Frappée d’horreur, elle jeta un cri et s’évanouit. Beaucoup de temps s’écoula avant qu’elle eut repris ses sens, et ses premières paroles furent des imprécations contre son fils.

On raconta d’Ibrahîm beaucoup d’autres faits analogues. Ce fut sous son règne que se montra Abou-Abd-Allah le Chîite, personnage dont nous donnerons l’histoire[1].

§ LI. — RÈGNE D’ABOU-’L-ABBAS-ABD-ALLAH, FILS D’IBRAHÎM, FILS D’AHMED, FILS DE MOHAMMED, FILS D’EL-AGHLEB.

Abou-’l-Abbas-Abd-Allah prit en mains le gouvernement de l’Ifrîkïa du vivant de son père, comme nous l’avons déjà dit, et par la mort de ce prince il se trouva en possession de l’autorité suprême. Son père, dont le caractère sanguinaire se plaisait au meurtre, n’épargnait personne, pas même les membres de sa famille ; aussi Abou-’l-Abbas lui témoigna-t-il une obéissance et une soumission extrêmes, ce qui porta Ibrahîm à le distinguer honorablement et à le préférer à ses autres fils. Abou-’l-Abbas succéda à son père le lundi 17 de Dou-’l-Câda, 289 (novembre 902), et il commença aussitôt à donner audience aux opprimés, à porter de (grossiers) habillements de laine et à gouverner avec justice et bonté. Ne voulant point habiter le château de son père, il fit l’acquisition d’une maison bâtie en briques, et il y demeura jusqu’à ce qu’il eut achevé l’hôtel qui porte encore son nom. L’appréhension de voir son fils Zîadet-Allah se révolter contre lui le décida à le faire emprisonner ainsi que plusieurs de ses officiers.

  1. On trouvera dans le tome ii et dans l’histoire des Druzes de M. de Sacy, une notice sur Abou-Abd-Allah.