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EN-NOWEIRI.

ailes qu’il ajouta à cet édifice ; le dôme dont il le couronna ; la citerne auprès de la porte d’Abou-’r-Rebiâ, une autre citerne au Vieux-Château (el-Casr-el-Cadîm) ; la grande mosquée de Tunis et les murailles de la ville de Souça. La citerne du Vieux-Château fut le dernier de ses ouvrages ; au moment de l’achever il tomba malade, et tous les jours, il demandait si l’eau (de la pluie) avait commencé à y entrer. On vint enfin lui annoncer qu’il y avait de l’eau ; et comblé de joie à cette nouvelle, il s’en fit apporter une coupe toute remplie, qu’il but avec empressement. « Louanges soient à Dieu ! s’écria-t-il alors, j’ai pu vivre pour achever cet ouvrage. » Il mourut bientôt après. Le peuple de Cairouan et toutes les personnes qui entrent dans cette ville ne cessent d’implorer la miséricorde divine sur le fondateur de ce monument utile. Ce fut sous le règne d’Abou-Ibrahîm que les musulmans s’emparèrent du Château de Yenna (Casr-Yenna), une des plus grandes villes que les chrétiens possédaient en Sicile[1].

Abou-Ibrahîm mourut le mardi 10 du mois de Dou-’l-Câda, 249, (décemb. 863), à l’âge de vingt-neuf ans. Il avait régné sept ans, dix mois et quinze jours. Ce prince s’était distingué par la justice de son administration, ses nobles qualités et ses actes honorables. Ce fut le plus généreux des rois, le plus clément, le plus compâtissant pour les maux de ses sujets ; ajoutez à cela sa profonde piété, son amour de la justice, et pensez aussi qu’il était encore jeune. Il avait l’habitude de monter à cheval, chaque nuit du mois de Châban et de celui de Ramadan, pour se rendre du Casr-el-Cadîm à Cairouan. Il avançait, précédé de flambeaux allumés, et ayant avec lui plusieurs bêtes de somme chargées de pièces d’argent qu’il distribuait aux spectateurs. Il faisait son entrée dans la ville par la porte d’Abou-’r-Rebiâ et se dirigeait vers la grande mosquée : en passant devant les portes des personnes connues pour leur savoir et leur piété, il y faisait frapper afin de pouvoir leur offrir une portion de cet argent.

  1. Le Casr Yenna des arabes est le Castro Giovanni des modernes et l’Enna des anciens.