Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/542

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
APPENDICE.

que votre maître vous destinait. Pour nous, nous lui sommes entièrement dévoués et nous n’avons jamais cessé de l’être. » Ces paroles mirent fin au combat, et Mohammed, se voyant pris au dépourvu et sans moyens de défense, passa dans la salle d’audience, se plaça sur le trône et ordonna que le public fût admis ainsi qu’Ahmed et ses partisans. Quand les conspirateurs furent introduits, il adressa de vifs reproches à son frère, qui lui répondit en ces termes : « Les fils d’Ali-Ibn-Homeid ont comploté contre la sûreté de l’état et ont voulu renverser votre trône ; nous nous sommes donc levés pour vous venger et protéger vos jours. » La position dans laquelle Mohammed se trouvait l’obligea à user de ménagements et à fermer les yeux sur ce qui venait de se passer ; aussi consentit-il à sacrifier Abou-Homeid. Les deux frères se jurèrent alors de ne jamais rien tenter l’un contre l’autre, et Mohammed fit amener Abou-Homeid qui s’était réfugié dans le palais, pendant qu’on assassinait son frère Abd-Allah, et le remit à Ahmed sous la condition qu’il n’attenterait pas à la vie du prisonnier et qu’il ne lui ferait subir aucun mauvais traitement. Cet arrangement fait, Ahmed rentra chez lui, et, profitant de l’influence qu’il s’était acquise, il prit tous les bureaux du gouvernement sous sa direction et devint l’arbitre de l’empire. Ayant remplacé tous les chambellans par d’autres qu’il choisit lui-même, et confié la garde du palais à cinq cents de ses propres esclaves et clients, il dépouilla son frère de toute autorité et ne lui laissa de la souveraineté que le nom. Par son ordre on mit Abou-Homeid à la torture pour lui arracher son argent, et on le livra ensuite à Abou-Nasr, affranchi d’Ibrahîm-Ibn-el-Aghleb. Cet homme fut chargé ostensiblement de conduire le prisonnier à Tripoli et de le faire passer de là en Égypte, mais il avait reçu secrètement l’ordre de le mettre à mort avant d’arriver à Calchana. Abou-Nasr s’y conforma en faisant étrangler ce malheureux, et ayant ensuite placé le corps dans une litière, il le transporta ainsi jusqu’à Calchana. Arrivé dans cette ville, il fit venir des témoins pour certifier que le cadavre n’offrait aucune trace de violence ou de blessure. En même temps il déclara que son prisonnier était mort d’une chut de cheval.