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APPENDICE.

profiter de son succès, il fit mettre à mort le gouverneur de la ville, Ismaîl-Ibn-Sofyan-Ibn-Salem, et le fils de celui-ci[1]. Quand Zîadet-Allah apprit le massacre de ses gens et le triste sort qu’avait éprouvé son cousin, le gouverneur, il choisit les plus braves de la milice et les envoya, sous les ordres de Ghalboun, contre les révoltés. Lui-même étant monté à cheval, les accompagna à quelque distance, et leur dit en les quittant : « Prenez garde à vous et conduisez-vous bien ; car je fais serment que si un seul d’entre vous revient en fuyard, il trouvera ici la mort. » Ces paroles indisposèrent tellement les miliciens qu’ils voulaient se porter à des voies de fait contre Ghalboun, mais Djâfer-Ibn-Mâbed s’y opposa en leur représentant que les torts de Zîadet-Allah à leur égard ne devaient pas les engager à trahir Ghalboun, leur bienfaiteur et leur libérateur, celui enfin qui avait intercédé pour leurs chefs auprès de ce prince. Sur ces observations, ils renoncèrent à leur projet.

Lorsque cette troupe fut arrivée à la Sibkha de Tunis, les officiers qui commandaient sous Ghalboun écrivirent à El-Mansour et aux siens pour les informer qu’ils étaient dans l’intention d’abandonner leur chef à la première rencontre, et de prendre la fuite. Quand les deux partis se trouvèrent en présence, Mansour chargea à la tête de ses troupes, et toute l’armée de Ghalboun s’enfuit devant elle. Après cette déroute, [les officiers] se rendirent auprès de Ghalboun, et lui firent des excuses, jurant qu’ils n’avaient jamais cessé d’être dévoués au prince, et qu’ils avaient employé tous leurs efforts [pour retenir leurs soldats sous les drapeaux]. « Mais, disaient-ils, nous sommes maintenant inquiets pour notre sûreté personnelle, et nous ne nous rendrons pas auprès de Zîadet-Allah avant d’avoir reçu l’assurance que nous n’aurons rien à craindre de lui. » A la suite de cette déclaration, ils quittèrent leur chef, et chacun d’eux s’en alla de son côté et prit possession de quelque coin de la province ; ce qui mit en combustion toute l’Ifrîkïa. Le reste de la milice se mit aux ordres de Mansour-et-Tonbodi. Zîadet-Allah, auprès duquel

  1. Ibn-el-Abbar nous apprend que la révolte de Mansour eut lieu dans le mois de Safer 209 (juin, 824 de J.-C.).