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EN-NOWEIRI.

procédés de Zîadet-Allah à leur égard et sa conduite envers Omar-Ibn-Moaouïa, et les fils de ce chef, il leur inspira la crainte qu’eux-mêmes et leurs enfants subiraient bientôt un traitement semblable. Zîadet-Allah eut connaissance de cette conspiration, et, pendant qu’il passait la milice en revue, selon son habitude, il fit appeler Mohammed-Ibn-Hamza et lui ordonna de partir pour Tunis à la tête de cinq cents des cavaliers armés qui venaient de défiler : « Arrêtez Mansour et les siens, lui dit-il, sans leur donner le temps de se reconnaître ; chargez-les de chaînes et amenez-les à la capitale. » En arrivant à Tunis, Omar apprit que Mansour était dans son château de Tonboda. Cette nouvelle le décida à s’arrêter dans la maison de l’hospitalité[1] d’où il envoya à cet officier une députation composée de Sedjra-Ibn-Eïça, cadi de Tunis et de quarante des principaux personnages de la ville, pour l’exhorter à rentrer dans la voie de l’obéissance et à venir le trouver. Mansour leur répondit : « Je n’ai pas renoncé à l’obéissance ; je ne complote point, et pour vous le prouver, je vais partir avec vous ; mais restez aujourd’hui avec moi, afin que j’aie le temps d’apprêter pour nos hôtes à Tunis quelque chose de bon. Alors il envoya à Mohammed-Ibn-Hamza des bœufs, des moutons, du fourrage et plusieurs charges de vin ; accompagnant ce don d’une lettre par laquelle il annonçait son arrivée pour le lendemain. Ibn-Hamza, se fiant à cette parole, se mit à manger et à boire avec ses compagnons. Le soir venu, Mansour fit emprisonner dans le château le cadi et ceux qui l’accompagnaient ; puis, rassemblant ses cavaliers et ses fantassins, il partit pour Tunis, et ce ne fut qu’au bruit de ses tambours que les personnes logées dans la maison de l’hospitalité apprirent son arrivée. Omar et ses compagnons coururent aux armes, mais tout étourdis des effets du vin, ils furent accablés et massacrés par les troupes d’El-Mansour. Quelques-uns d’entre eux se jetèrent à la mer et se sauvèrent à la nage. Le lendemain, Mansour se vit entouré de toutes les milices, et voulant

  1. La maison de l’hospitalité (dar-ed-dïafa) est une espèce de caravansérail où certains voyageurs sont hébergés aux frais du gouverneur de la ville.