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XLIII
INTRODUCTION.

Tunis. Cette faveur me fut refusée : les Beni-Abd-el-Ouad venaient de reprendre Tlemcen et l’empire du Maghreb central ; je pouvais être utile à Abou-Hammou, le souverain abd-el-ouadite, et cette pensée décida le vizir à repousser mes sollicitations. Je persistai néanmoins dans mon intention, et ayant gagné l’appui de son gendre et lieutenant, Masoud-Ibn-Rahhou-Ibn-Maçaï, en lui récitant un poème dans lequel je lui dépeignis ma position, j’obtins l’autorisation d’aller partout où je voudrais, excepté à Tlemcen. Je me décidai pour l’Espagne, et ayant écrit au seigneur de Constantine, le sultan Abou-’l-Abbas, pour lui recommander ma femme et mes enfants, je les envoyai dans cette ville chez leurs oncles maternels, les fils d’Ibn-el-Hakîm, ancien caïd [ou général en chef des armées hafsides]. Je me mis alors en route pour Ceuta. »

Voici le motif qui décida Ibn-Khaldoun à passer en Espagne.

En 761 (1359-60), Abou-Abd-Allah-Mohammed-Ibn-el-Ahmer, fils d’Abou-’l-Haddjadj et sultan de Grenade, avait été détrôné par son frère Ismaïl. Obligé de se réfugier auprès du souverain mérinide, il s’y présenta avec son vizir, le célèbre Liçan-ed-Dîn-Ibn-el-Khatîb. Fortement appuyé par Ibn-Khaldoun, il obtint du sultan Abou-Salem assez de secours pour pouvoir rentrer en Espagne. Une année plus tard, il remonta sur le trône de ses pères, et depuis ce moment il conserva pour Ibn-Khaldoun une reconnaissance qui ne se démentit jamais.

En l’an 764 (1362-3), notre historien arriva à Ceuta d’où il traversa le Détroit, et aussitôt débarqué à Gibraltar, il écrivit à Ibn-el-Ahmer et à Ibn-el-Khatîb pour les avertir de son arrivée. L’accueil le plus honorable et le plus empressé l’attendit à Grenade ; installé dans un beau logement que le vizir avait fait disposer pour sa réception, il fut admis dans la société intime du souverain et il en devint bientôt le confident et le compagnon inséparable.

« L’année suivante, dit-il, ce monarque m’envoya en mission auprès de Pèdre (Pierre-le-Cruel), fils d’Alfonse et roi de Castille. J’étais chargé de ratifier le traité de paix que ce prince avait conclu avec les souverains de la côte africaine ; et, à cet