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APPENDICE.

Plus loin l’historien dit : quand Ibrahim fut revêtu du pouvoir, il comprima les factions, qui désolaient le pays, et tint la province d’une main ferme, tout en la gouvernant avec douceur. Par ses ordres, les hommes pervers qui étaient dans l’habitude de résister aux gouverneurs et de se révolter contre eux furent conduits à Baghdad. Il fit bâtir un château pour lui servir de lieu de plaisance[1], et ensuite il y transporta secrètement des armes et de l’argent. En même temps il donna le plus grand soin au bien-être de ses troupes afin de s’assurer leur obéissance, et il supporta avec patience leurs mœurs brusques et grossières. Plus tard, il se mit à acheter des nègres sous le prétexte d’en former des ouvriers en tout art et métier, afin de n’avoir plus recours aux services [forcés] de ses sujets, et ensuite il en acheta d’autres, destinés à porter les armes de ses soldats auxquels il fit accroire, qu’en les allégeant d’un tel fardeau, il leur donnait une grande marque d’honneur. Quand tout fut disposé pour le but auquel il tendait, il quitta l’hôtel du gouvernement pendant la nuit, et se rendit au château avec ses esclaves nègres, ses domestiques et tous les membres de sa famille. Il logea aussi avec lui ceux de la milice qui avaient sa confiance ; au reste il présidait régulièrement à la prière publique dans la grande mosquée de Cairouan et dans celle qu’il avait fait élever au château.

Pendant son administration, Hamdîs-Ibn-Abd-er-Rahman-al-Kindi se révolta à Tunis, et s’étant dépouillé de la livrée noire des Abbacides, il rassembla autour de lui une foule d’Arabes et de Berbères habitants de la ville. Ibrahîm fit marcher contre lui Emran-Ibn-Mokhaled, accompagné des principaux chefs de son armée. Les deux partis se rencontrèrent à la sibkha (marais salé) de Tunis. Le conflit fut très-acharné et beaucoup de monde y perdit la vie. Les troupes de Hamdîs se mirent alors à [lui] crier : « Allez à Baghdad ; allez ce jour passé, nous ne vous

  1. En l’an 184, Ibrahim-Ibn-el-Aghleb posa les fondements de la ville d’El-Abbacia, et il alla s’y fixer avec les membres de sa famille, ses domestiques et ses esclaves nègres. Cette place forte, appelée depuis le vieux château (El-Casr-el-Cadim), était situé au midi (ou sud-est) de Cairouan, à la distance de trois milles.