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EN-NOWEIRI.

deux lettres, selon la coutume[1]. Il profita de cette occasion pour fabriquer et envoyer à Cairouan une troisième lettre qui contenait la destitution d’Ibrahîm et sa propre nomination. Lorsque le peuple en eut entendu la lecture, il dit à Ibrahîm : « Gardez votre place et écrivez-en au khalife ; cette lettre est une pièce fabriquée par Mocatel ; voilà comme il reconnaît le service que vous lui avez rendu en venant à son secours et en lui sauvant la vie ! » — « Par Allah ! répondit-il, je m’en étais déjà formé la même idée ! c’est à cause de la faveur dont il jouit auprès de Djâfer-Ibn-Yahya[2], qu’il a osé concevoir le projet de s’emparer de la ville. [Malgré l’opinion qu’il venait d’exprimer] Ibrahîm céda la place et ramena ses troupes dans le Zab. Une lettre arriva alors à Cairouan par laquelle Ibn-Mocatel annonça sa prochaine arrivée et ordonna à Sehl-Ibn-Hadjeb de prendre le commandement, en attendant. Er-Rechîd ayant eu connaissance de cette supercherie par une dépêche que le maître de poste lui avait expédiée, en éprouva une violente colère et écrivit à Ibn-Mocatel la lettre suivante : « Ce dernier trait de votre conduite est semblable à tous les autres quels sont donc vos titres pour que je vous accorde le gouvernement de la province plutôt qu’à Ibrahîm ? est-ce parce que vous avez fui devant le danger pendant que lui, il est allé l’affronter ? est-ce à cause de votre lâcheté et de sa bravoure ? ou bien est-ce à cause de votre désobéissance et de son dévouement ? Aussitôt que vous aurez lu cette lettre, revenez-ici ; mais ne vous attendez pas à être loué de votre conduite.» Il écrivit aussi une autre lettre par laquelle il réintégrait Ibrahîm dans le commandement. Le messager qui apporta ces dépêches à Cairouan continua sa route jusqu’au Zab où Ibrahim venait d’arriver. Ce fut le 12 du mois de Djomada second de l’an 184 (juillet 800) que le pouvoir passa, pour la seconde fois, dans les mains d’Ibrahîm et qu’il se trouva investi de l’autorité qu’il transmit à ses descendants. Ibn-Mocatel-el-Akki partit alors pour l’Orient.

  1. Une de ces lettres était probablement à l’adresse de l’ancien gouverneur et l’autre à celle de son successeur désigné.
  2. Il s’agit ici du célèbre vizir barmekide dont tout le monde connaît la générosité et la triste fin.