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APPENDICE.

tu ne viennes lui réclamer le commandement et le mettre ainsi dans la nécessité, soit de te le refuser, ce qui serait un acte de rébellion, soit de te le céder, ce qu’il ferait alors contre son gré. Il t’a donc invité à venir, dans l’intention de t’exposer à des périls où tu dois trouver la mort ; car demain tu recevras de nouveau une leçon semblable à celle que tu as déjà eue hier en te mesurant avec moi. » Sa lettre était terminée par ces deux vers :

En te remettant la forteresse, Ibrahîm n’agissait pas par esprit de fidélité, mais bien dans le but de te faire périr. Fils d’Akk ! s’il te reste assez d’intelligence pour comprendre ses desseins perfides, tu n’accepteras pas.

Après avoir lu cette missive, Ibn-Mocatel la communiqua à Ibn-el-Aghleb, qui dit en riant : « Que Dieu le maudisse ! il faut être imbécile pour écrire de telles choses ! » Ibn-Mocatel répondit en ces termes à la lettre : « De la part d’Ibn-Mocatel au traître Temmam : j’ai reçu ta lettre, et son contenu m’a prouvé ton peu de jugement. J’ai compris ce que tu as voulu dire d’Ibn-el-Aghleb. Dans le cas même ton avertissement serait sincère [je ne pourrais en tirer profit], car celui qui a trahi Dieu et son Prophète, et qui est du nombre des réprouvés n’est pas de ceux que l’on prend pour conseillers ; si, au contraire, ce que tu me dis est une ruse, sache que c’est une bien mauvaise ruse que celle dont on s’aperçoit. Quant à tes insinuations au sujet des motifs qui auraient porté Ibrahîm à reconnaître mon autorité lorsque nous nous sommes rencontrés, vive Dieu ! tu les connaîtras bientôt, ces motifs, car c’est à Ibrahîm lui-même que tu auras affaire ! Tu me dis que j’éprouverai, demain, en te rencontrant, ce que j’ai éprouvé hier ; sache que la guerre n’est qu’une suite de vicissitudes, et qu’avec l’aide de Dieu, ce sera, demain, mon tour de remporter la victoire. » Cette lettre finissait par les deux vers suivants :

Si tu oses affronter Ibn-el-Aghleb au jour du carnage, je m’attendrai à ta défaite et à ta mort.

Car tu auras rencontré un héros qui s’élance dans la mêlée, escorté par la mort, et qui soutient avec sa lance une gloire héréditaire.