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EN-NOWEIRI.

§ XXV. — DÉFAITE DES OURFEDDJOUMA.

L’historien dit : Les Ourfeddjouma, devenus maîtres de Cairouan, livrèrent aux plus cruelles tortures et à la mort tous les membres de la tribu de Coreich qui y étaient restés ; ils logèrent leurs montures dans la grande mosquée, et [par leur conduite abominable] ils firent éprouver à leurs alliés de vifs regrets d’avoir coopéré à leur succès.

Quelque temps après, ajoute l’historien, un eibadite, que ses affaires avaient appelé à Cairouan, vit quelques hommes de la tribu d’Ourfeddjouma faire, en public, violence à une femme. Frappé d’horreur à ce forfait, il oublia le motif qui l’avait amené là et s’en alla trouver Abou-’l-Khattab-Abd-el-Alâ-Ibn-es-Samh-el-Mâferi auquel il raconta le fait dont il venait d’être témoin. Abou-’l-Khattab s’élança aussitôt hors de sa tente en invoquant Dieu : « Me voici, s’écria-t-il, prêt à te servir, ô mon Dieu ! je réponds à ton appel ! » Des amis lui étant arrivés de tous côtés, il marcha sur Tripoli et s’en empara après en avoir expulsé Omer-Ibn-Othman de la tribu de Coreich. De là, il se porta sur Cairouan, et ayant rencontré Abd-el-Mélek-Ibn-Abi-Djâda qui venait avec un corps des Ourfeddjouma pour s’opposer à ses progrès, il lui livra bataille, le tua ainsi qu’un grand nombre de ses partisans, extermina les fuyards et prit possession de Cairouan. Ceci eut lieu dans le mois de Safer de l’an 141 (juin-juillet 758). Les Ourfeddjouma étaient restés maîtres de cette ville pendant quatre mois. Après avoir confié le commandement de Cairouan au cadi Abd-er-Rahman-Ibn-Rostem, Abou-’l-Khattab se rendit à Tripoli et établit son autorité dans toute l’Ifrîkïa. Les choses demeurèrent en cet état jusqu’à l’an 144. Alors [le khalife] Abou-Djâfer-el-Mansour fit partir Mohammed, fils d’El-Achâth, de la tribu de Khozâa, pour prendre le gouvernement du pays. Abou-’l-Khattab et ses partisans étaient kharedjites ; ils suivaient, les uns, la doctrine des sofrites, et, les autres, celle des eibadites.