Page:Ibn Khaldoun - Histoire des Berbères, trad. Slane, tome 1.djvu/496

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
370
APPENDICE.

Cafsa, Castîlïa et Nefzaoua, et El-Yas obtint pour lui-même le reste de l’Ifrîkïa et du Maghreb. Alors, Habîb s’en retourna à Cairouan et El-Yas accompagna Emran à Tunis, où il le fit arrêter bientôt après, ainsi qu’Omer-Ibn-Nafê, fils d’Abou-Obeida-el-Fihri, El-Asoued-Ibn-Mouça-Ibn-Abd-er-Rahman-Ibn-Ocba et Ali-Ibn-Caten. Les ayant fait jeter tous dans les fers, il les embarqua pour l’Espagne, afin de les livrer à Youçof-Ibn-Abd-er-Rahman-Ibn-Ocba [le gouverneur de ce pays]. Rentré à Cairouan, il apprit des choses sur la conduite de Habîb qui lui inspirèrent des vives appréhensions[1]. Cette découverte le porta à faire naître la désaffection parmi les sujets de son neveu, et il envoya aussi un agent auprès de lui pour l’engager à se rendre en Espagne. Habîb accueillit cette proposition et s’embarqua sur un navire fourni par El-Yas ; mais un vent contraire le força de rentrer au port. De là il lui écrivit que le mauvais temps l’avant mis dans l’impossibilité de partir. El-Yas craignant toujours le voisinage de son neveu, fit prévenir Soleiman-Ibn-Zîad-er-Roaïni, gouverneur de l’endroit, de se tenir sur ses gardes ; mais déjà les anciens clients d’Abd-er-Rahman s’étaient ralliés à son fils : ils ne tardèrent pas de garrotter Soleiman, d’enlever Habîb, de le conduire dans le pays ouvert et de le reconnaître pour leur chef. Aussitôt après, ils marchèrent sur la ville de Laribus dont ils prirent possession. El-Yas ayant appris ce qui venait d’arriver, alla à la rencontre de son neveu. Lorsque les deux armées se trouvèrent en présence, Habîb s’adressa à son oncle et lui dit : « Ne souffre pas que notre querelle devienne funeste à nos partisans et à nos serviteurs dévoués, car ce sont eux qui font notre force ; avance plutôt toi-même, et qu’un combat singulier décide entre nous : de cette manière, nous n’aurons plus rien à craindre l’un de l’autre ; si tu me tues, tu n’auras fait que m’envoyer rejoindre mon père ; et si je te tue, j’aurai

  1. Il y a ici une lacune de deux feuillets dans le no 702, manuscrit dont Cardonne s’est servi pour faire sa mauvaise compilation intitulée Histoire de l’Afrique et de l’Espagne sous les Arabes. Cardonne n’avait ni assez de critique ni assez de connaissances dans l’arabe pour s’apercevoir de cette lacune.