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APPENDICE.

brûler, il ordonna à son secrétaire Khaled-Ibn-Rebiâ de dresser un acte de renonciation à l’autorité abbacide, pièce destinée à être lue du haut de toutes les chaires de l’Afrique. Cet ordre fut exécuté.

§ XXIV. — MORT D’ABD-ER-RAHMAN-IBN-HABÎB, ET GOUVERNEMENT DE SON FRÈRE EL-YAS-IBN-HABÎB.

Lors de la mort de Merouan-Ibn-Mohammed surnommé el-Himar, quelques Oméïades se sauvèrent en Ifrîkïa avec leurs familles et s’allièrent, par des mariages à Abd-er-Rahman et à ses frères. Parmi ces réfugiés se trouvèrent deux fils d’El-Ouélîd-Ibn-Yezîd-Ibn-Abd-el-Mélek, dont l’un se nommait El-Cadi et l’autre El-Moumen. Ils y avaient amené une cousine qui épousa El-Yas-Ibn-Habîb, [frère d’Abd-er-Rahman]. Abd-er-Rahman les logea chez Chebba-Ibn-Hassan, mais en même temps, il les guetta, afin d’entendre leurs discours. [Un jour] pendant qu’ils étaient à boire du nebîd[1] et que leur page remplissait les coupes, El-Cadi dit à son frère : « Comme Abd-er-Rahman s’aveugle ! il croit que nous le laisserons jouir en paix de l’autorité qu’il possède, nous qui sommes fils de khalifes ! » Abd-er-Rahman se retira aussitôt, sans être aperçu et, bientôt après, il donna l’ordre de les faire mourir. Quand leur cousine en eut connaissance, elle dit à son époux, El-Yas : « S’il tue tes parents, c’est pour te marquer son mépris ; [vois du reste comme] il a nommé son fils Habîb pour lui succéder, tandisque c’est toi qui es le dépositaire du pouvoir, toi qui commandes à son armée et portes son épée. » Elle continua ainsi à exciter El-Yas contre son frère, [pendant que d’autres circonstances contribuèrent à les mettre de mauvaise intelligence.] Chaque fois qu’il éclatait une révolte, Abd-er-Rahman envoyait El-Yas pour la comprimer, mais il attribuait ensuite à son propre fils Habîb l’honneur de la victoire ; il avait aussi désigné Habîb pour son successeur, circonstance qui détermina El-Yas et son frère Abd-el-Ouareth à lui ôter la

  1. Bien que le mot nebîd soit ordinairement employé pour désigner le vin du dattier, on s’en sert aussi, par euphémisme, pour désigner le vin du raisin.