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HISTOIRE DES BERBÈRES.

sion favorable pour en faire avertir ses parents et leurs alliés berbères.

Arrivé aux environs de Tehouda, Ocba se vit attaquer à l’improviste par les Berbères qui le suivaient depuis quelque temps. Ses troupes mirent pied à terre, dégaînèrent leurs épées et en brisèrent les fourreaux [dont ils sentaient bien qu’ils n’auraient plus besoin] ; un combat acharné s’ensuivit et Ocba y succomba avec tous les siens ; pas un seul n’échappa à la mort[1]. Ils étaient environ trois cents individus, les uns, anciens compagnons de Mahomet, les autres disciples de ceux-ci. Tous trouvèrent le martyre sur un même champ de carnage. Abou-’l-Mohadjer, qu’Ocba avait gardé aux arrêts jusqu’alors et qui ce jour-là déploya la plus grande bravoure, resta parmi les morts. Les tombeaux d’Ocba et de ses compagnons, ces généreux martyrs de la foi, se voient encore dans le Zab, au lieu même où ils perdirent la vie. Le corps d’Ocba repose dans une tombe enduite de plâtre, sur laquelle on a érigé une mosquée. Cet édifice s’appelle la Mosquée d’Ocba, et forme un but de pèlerinage, un lieu saint dont la visite est censée attirer la bénédiction divine[2]. J’ose même dire que, de tous les cimetières du monde vers lesquels les hommes dévots dirigent leurs pas, celui-ci est le plus illustre par le nombre et la qualité des martyrs qu’il renferme. Personne depuis lors ne s’est jamais acquis même la moitié des mérites qui distinguèrent chaque individu de ces Compagnons et Tabês. Le petit nombre de prisonniers faits dans cette journée et parmi lesquels se trouvèrent deux compagnons de Mahomet, les nommés Yezîd-Ibn-Khalef-el-Caïci et Mohammed-Ibn-Owaïs-el-Ansari, furent rachetés par Ibn-Mesad, seigneur de Cafsa. Quand la nouvelle de ce désastre parvint à Cairouan, Zoheir-Ibn-Caïs-el-Beloui quitta la ville précipitamment avec les débris de l’armée musul-

  1. Quelques-uns furent faits prisonniers ; notre auteur le dit lui-même un peu plus loin.
  2. Ce tombeau se voit encore dans la mosquée de l’oasis de Sidi-Ocba, à quatre lieues de Biskera. Il porte, en caractères coufiques, l’inscription suivante : Hada cabr Ocba-Ibn-Nafê (ceci est le tombeau d’Ocba fils de Nafê).