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LES AURÉBA.

à Tèhert. Après avoir abandonné au pillage les biens des vaincus, il reçut la soumission de Yulîan [le comte Julien], émir [du pays] des Ghomara, qui s’était présenté devant lui avec un riche cadeau. Yulîan lui indiqua les endroits faibles du pays occupé par les Berbères et le dirigea vers la région qui s’étend depuis Oulîli jusqu’au Sous, ainsi que vers les contrées encore plus éloignées où les peuples porteurs de voile s’adonnaient à la vie nomade. Après y avoir fait beaucoup de butin et de prisonniers, Ocba poussa jusqu’au bord de la mer et revint ensuite, toujours victorieux. Pendant cette expédition, il ne cessa de témoigner un profond mépris pour Koceila qu’il retenait prisonnier auprès de lui, et, un jour, il lui ordonna d’écorcher un mouton devant lui. Koceila voulut confier cette tâche dégradante à un de ses domestiques, mais forcé par Ocba de s’en charger lui-même et vivement blessé par les paroles insultantes de ce chef, il se leva en colère et commença l’opération. Chaque fois qu’il retirait sa main du corps de l’animal, il la passa sur sa barbe et, interrogé par les Arabes au sujet de ce geste, il répondit : « Cela fait du bien aux poils. » Un de leurs vieillards, qui entendit ces paroles, les avertit que c’était une menace de la part du Berbère. Abou-’l-Mohadjer ayant su ce qui venait de se passer, pria Ocba de laisser le prisonnier tranquille : « Le Prophète de Dieu, ajouta-t-il, chercha à se concilier les puissants d’entre les Arabes, tandis que toi, tu prends plaisir à indisposer le cœur d’un homme qui tient un haut rang parmi son peuple et qui se trouve actuellement sur les lieux où il déployait naguère une grande autorité, à l’époque où il était infidèle. Je te conseille maintenant de bien t’assurer de sa personne et d’être en garde contre lui. » Ocba ne fit aucune attention à ce discours et, parvenu à Tobna, il renvoya ses troupes, par détachements, à Cairouan ; tant il croyait avoir effectué la conquête du pays et la soumission des Berbères. Resté à la tête d’un petit corps de guerriers, il se mit en marche pour Tehouda, ou pour Badis, afin d’y établir une garnison. Les Francs s’aperçurent de son imprudence et formèrent le projet de le surprendre. Koceila apprit leur intention par un message qu’ils lui firent parvenir, et il profita d’une occa-