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HISTOIRE DES BERBÈRES.

tous les généalogistes ; et les Himyerites n'eurent jamais d'autre voie pour se rendre en Maghreb que les récits mensongers des historiens yéménites. »

Passons à l'opinion d'Ibn-Coteiba. Cet auteur les déclare enfants de Goliath, et il ajoute que celui-ci était fils de Caïs-Ibn-Ghailan : bévue énorme ! En effet, Caïs [fils du] Ghailan descendait de Màdd, lequel était contemporain de Nabuchodonosor, comme nous l'avons constaté ailleurs, et avait été emporté en Syrie par le prophète Jérémie auquel la volonté divine avait révélé l'ordre de le sauver des fureurs de ce conquérant qui venait de subjuguer les Arabes[1]. Ce Nabuchodonosor est le même qui détruisit le temple de Jérusalem bâti par David et Salomon, environ quatre cent cinquante ans auparavant. Donc, Màdd a du être postérieur à David d'environ ce nombre d'années, comment, alors, son fils Caïs aura-t-il pu être le père de Goliath, contemporain de David ? cela est d'une absurdité si frappante que je le regarde comme un trait de négligence et d'inattention de la part d'Ibn-Coteiba.

Maintenant, le fait réel, ſait qui nous dispense de toute hypothèse, est ceci : les Berbères sont les enfants de Canaan , fils de Cham, fils de Noé, ainsi que nous l'avons déjà énoncé en traitant des grandes divisions de l'espèce humaine. Leur aïeul se nommait Mazigh ; leurs frères étaient les Gergéséens (Agrikech); les Philistins, enfants de Casluhim, fils de Misraïm, fils de Cham, étaient leurs parents. Le roi, chez eux, portait le titre de Goliath (Djalout). Il y eut en Syrie, entre les Philistins et les Israélites des guerres rapportées par l'histoire, et pendant lesquelles les descendants de Canaan et les Gergéséens soutinrent les Philistins contre les enfants d'Israël. Cette dernière circonstance aura probablement induit en erreur la personne qui représenta Goliath comme Berbère, tandis qu'il faisait partie des Philistins, parents des Berbères. On ne doit admettre aucune autre opinion que la nôtre ; elle est la seule qui soit vraie et de laquelle on ne peut s'écarter.

  1. Voyez sur la légende de Jérémie et Madd l'Essai de M. C. de Perceval, tome 1, page 481 et suiv. — C'est de Taberi qu'Ibn-Khaldous a emprunté ce renseignement controuvé.