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HISTOIRE DES BERBÈRES.

laine. Ils s’enveloppent de vêtements rayés dont ils rejettent un des bouts sur l’épaule gauche, et par dessus tout, ils laissent flotter des burnous noirs. Ils vont, en général, la tête nue, et de temps à autre ils se la font raser.

Leur langage est un idiôme étranger, différent de tout autre : circonstance qui leur a valu le nom de Berbères. Voici comment on raconte la chose : Ifrîcos, fils de Caïs-Ibn-Saïfi, l’un des rois [du Yémen appelés] Tobba[1], envahit le Maghreb et l’Ifrîkïa, et y bâtit des bourgs et des villes après en avoir tué le roi, El-Djerdjîs. Ce fut même d’après lui, à ce que l’on prétend, que ce pays fut nommé l’Ifrîkïa. Lorsqu’il eut vu ce peuple de race étrangère et qu’il l’eut entendu parler un langage dont les variétés et les dialectes frappèrent son attention, il céda à l’étonnement et s’écria : « Quelle berbera est la vôtre ! » On les nomma Berbères pour cette raison. Le mot berbera signifie, en arabe, un mélange de cris inintelligibles ; de là on dit, en parlant du lion, qu’il berbère, quand il pousse des rugissements confus.

Les hommes versés dans la science des généalogies s’accordent à rattacher toutes les branches de ce peuple à deux grandes souches : celle de Bernès et celle de Madghis[2]. Comme ce dernier était surnommé El-Abter, on appelle ses descendants El-Botr[3], de même que l’on désigne par le nom de Beranès les familles qui tirent leur origine de Bernès. Madghis et Bernès s’appelaient chacun fils de Berr ; cependant, les généalogistes ne s’accordent pas tous à les regarder comme issus d’un même père : Ibn-Hazm,

  1. Voyez l’Essai de M. C. de Perceval, tome i, p. 61 et suiv.
  2. Ce nom s’écrit tantôt Madghis et tantôt Madghès ; quelquefois même il se présente sous la forme de Madaghs. Quant au mot Bernès, en arabe brns, on peut aussi le prononcer Bornos ou Bornès.
  3. Botr est le pluriel d’Abter, adjectif arabe qui signifie sans queue, sans postérité. L’emploi systématique d’un terme arabe, d’abord au singulier, comme surnom de Madghis, et ensuite au pluriel, pour désigner sa postérité, prouve que la langue arabe était très-répandue dans la Mauritanie à l’époque où les savants berbères entreprirent la tâche de confectionner, ou fabriquer, l’arbre généalogique de leur nation. D’autres circonstances portent à croire que ces listes furent dressées dans le quatrième siècle de l’hégire, et rédigées alors en arabe.