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TRIBUS ARABES.

renforts, il ordonna aux habitants de Tolga d’arrêter Séada. Le proscrit sortit de la ville, et on bâtit dans le voisinage un zaouïa[1] pour lui-même et pour ses disciples.

Ayant alors convoqué ses partisans marabouts[2], auxquels il donna le nom de Sonnites, il marcha avec eux contre Biskera et y mit le siége. Ses bandes coupèrent les dattiers qui entouraient la ville, mais découragés bientôt par la résistance qu’Ibn-Mozni et sa garnison leur opposèrent, ils prirent le parti de se retirer. En l’an…[3], Séada reparut devant Biskera, mais ses efforts furent encore inutiles. En 705 (1305-6), les partisans que ce morabet s’était faits parmi les Douaouida rentrèrent dans leurs quartiers d’hiver, et le laissèrent dans son zaouïa, près de Tolga. Pendant leur absence, il rassembla tous les nomades de son parti qui étaient restés dans le Zab et alla mettre le siége devant Melîli.

Averti par les habitants de cette ville du danger qui les menaçait, Ibn-Mozni fit monter à cheval le corps de troupes que le sultan laissait toujours auprès de lui à Biskera, et l’expédia, pen-

  1. Le mot zaouïa signifie angle, coin. Il s’applique à certains édifices bâtis ordinairement sur les tombeaux de saints personnages et habités par des marabouts (morabet), hommes retirés du monde, qui s’adonnent à la prière et à l’enseignement. Il y a des zaouïa qui renferment des bibliothèques et qui sont fréquentées par de nombreux étudiants (toleba). Les zaouïa s’appellent quelques fois ribat. (Voyez la note suivante.)
  2. Morabet (le marabout des Européens) signifie attaché à un ribat. Les ribat étaient d’abord des forts bâtis sur la frontière du territoire musulman pour tenir en respect les nations voisines. Il devint de mode chez les dévots d’aller passer quelques mois dans un de ces établissements afin de se donner le mérite d’avoir fait la guerre sainte. Plus tard, les ribat perdirent, presque partout, leur caractère militaire et devinrent des couvents, où les hommes pieux s’occupaient de la prière et de l’étude. Ribat signifie lien ; on appelait ces forts ainsi, parce qu’ils servaient à lier les bras à l’ennemi. Un historien arabe rapporte que, de son temps, il y avait une ligne non interrompue de ribats sur la frontière musulmane, depuis l’Océan Atlantique jusqu’à la Chine.
  3. L’auteur a laissé la date en blanc, mais l’événement dont il parle a dû se passer vers l’an 700 de l’hégire.