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auez porté auec vous en ſepulture le bien de noſtre richeſſe ? Venu que ie fu deuant la porte, qui bien meritoit d’eſtre ſongneuſemẽt regardee pour l’excellence de l’ouurage, il me print enuie d’entendre la proportion & meſure que l’ouurier y auoit obſeruée : dõt pour la trouuer vſay promptemẽt de ceſte practique. Ie meſuray l’vn des quarrez qui ſouſtenoient les colõnes doubles de chaſcun coſté, & par cela compris facilement ſa raiſon. Premierement il auoit ſaict vne figure quarrée ABCD, diuiſee par trois lignes droictes, & trois trauerſantes, egalemẽt diſtãtes l’vne de l’autre, cõpoſans ſeize quarrez. puis adiouxta ſur la figure vne de ſes moytiéz EF, laquelle diuiſee par les meſmes meſures, caiſoit vingt & quatre quarrez, cõprins les ſeize de la premiere. Tirant apres en la premiere figure ABCD, deux diagonales, AD, & BC, croiſans au mylieu, il la departit en quatre triangles, alant chaſcun ſon diagone ou ligne trauerſale. Et en la moytié adiouxtee que i’ay marquee par EF, il fit vn rhombe ou lozenge traſſé ſur les principaulx pointz GHIK. Apres que i’eu conceu en mon entendement ceſte figure, ie pẽſay, Que peuvent faire les architectes modernes, qui ſ’eſtiment ſauans, ſans lettres & ſans doctrine, encores qu’ilz ſoient ſans reigle ny meſure ? parquoy corrompent & difformẽt toutes manieres de baſtimẽtz tant particuliers que publiques, deſpriſans la nature qui les enſeigne a bien faire, ſ’ilz la veulent imiter. Neãtmoins ilz peuuent enrichir leur beſongne, & y adiouxter ou diminuer pour contenter la veue, mais que le maſſif demeure entier, auquel toutes parties ſe doiuent accorder. Par ce mallif, i’enten le corps de l’edifice, lequel ſans ornemens fait cognoiſſre le ſauoir & l’eſprit du maiſtre : car il eſt facile d’enrichir la choſe apres qu’elle eſt inuentee. Toutesfois ſur tout eſt a eſtimer la diſtribution, departement, & diſpoſition des membres : dont fault conclure que c’eſt choſe vſitee & cõmune a chaſcun ouurier, voire iuſques aux aprentiz, de ſauoir orner vn ouurage : mais inuenter, certainement giſt en la teſte des ſauans. Pour retourner donc a noſtre propos, oſtant de ce quarré & demy le rhombe, les lignes diagonales, & trauerſantes, meſmes laiſſant les deux perpendiculaires, & oſtant la moyenne qui ſe trouue au lieu de la porte, la forme du portail demourera en ſon entier. Puis oſtant la derniere ligne FD, cõtenãt ſix quarrez du hault a bas, & l’autre de EC, ſon oppoſite, reſtera vne figure compoſee de deux quarrez LM, contenãt chacun quatre des vingt & quatre quarrez, leſquelz vous departirez en deux, & en celluy de bas M, ferez vn diagone commencant a l’O, & le tirerez iuſques au deſſoubz de l’architraue marqué R : & autant de l’autre coſté depuis le P iuſques a Q, puis en poſant vne pointe du compas au point de L, & l’autre iuſques a K, en circuyſſant ſe trouuera la meſure de l’arc, ou bien courbure de la porte. La ligne dõc de AB, eſt le vray lieu de l’architraue. Et le point du mylieu de la ligne trauerſante marqué par L (comme dict eſt) ſera le centre pour flechir & courber la voulture de la porte en demyrond, a laquelle doit eſtre adiouxté le demy diametre depuis le point R, iuſques au premier demycercle, & cela fera iuſtement ſon eſpoiſſeur. Mais ſ’il ſe fait par autre voye, ie ne l’eſtime point perfect.