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ruſticité, depraué la ſaincteté, empriſonné la liberté, & amolly vn cueur de fer :
dont ne ſe fault eſbahir ſi ie fu ars & enflammé, pris & ietté en vne four-
naiſe de chaleur deſmeſuree, & noyé en couuoitiſe laſciue.
Eſtant donc attainct & infect de celle conta-
gieuse peſtilence, tout en vn mo-
ment ces damoyſelles
ſ’euanouyrent,
& me laiſſe-
rent ſeul
ainſi atourné
comme i’eſtoie
au mylieu d’vne
grande plai
ne.


Comme apres que Poliphile eut perdu
DE VEVE LES DAMOYSELLES LASCIVES QVI LE
delaißerent, uint a luy une Nymphe, la beaulté & parure de la
quelle ſont icy amplement
deſcrittes.



E N ceſte maniere ie me trouuay tout ſeul, las, trauaillé, & en tel eſtat, que ie ne pouuoie bonnement iuger ſi ie dormoie ou non. Toutesfois au bout d’vn temps ie me recongneu, & apperceu que veritablement ma belle compagnie m’auoit abandonné : & ne peu ſauoir quand, comment, ny ou elle eſtoit allee, ainſi que ſi en ſurſault ie me feuſſe reueillé d’vn ſonge. Lors regardant a l’entour de moy, ie vey ſeulement vne belle treille de Genſemy, toute ſemee de ſes fleurs blanches, qui rendoient vne odeur fort agreable. Lá me retiray a couuert, grandement eſbahy en moymeſme de ceſte mutation tant ſoudaine & inopinee, reduiſant en ma memoire les choſes grandes & merueilleuſes que i’auoie veues & ouyes, aiant touſiours ferme eſperance es promeſſes de la Royne qui m’auoit aſſeuré que ie trouueroie ma Polia tant deſiree. Helas Polia, diſois ie en ſouſpirant. Mes ſouſpirs amoureux retentiſſoient deſſoubz celle verdure : & ainſi cheminant pas à pas, comme celuy qui pẽſe & ne ſcait ſ’il va ou ſ’il ne bouge, mes eſpritz ne ſe reſentirent iuſques a ce que ie feuſſe au bout de la treille, qui eſtoit aſſez longue a paſſer.