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En vérité, la péninsule est un douaire d’épimanes et la démence quasi-débonnaire d’un Charles VI semble presque raisonnable si on la compare aux aberrations de ces possédés-là !

En Italie c’est, avec la guerre civile, la peste ; et dans ce déchaînement de fléaux, des ruffians s’écharpent ; on se bat dans les rues de Rome ; la famille des Colonna et ses séïdes s’insurgent contre le pape et, sous le prétexte de rétablir l’ordre, le roi de Naples, Ladislas, s’empare de la ville et, après l’avoir pillée, la quitte et revient pour la piller encore ; entre Gênes et Venise, c’est une collision qui aboutit à de féroces représailles ; à Naples, c’est la reine Jeanne qu’on enlève pour l’étouffer entre deux matelas, dans un château de la Basilicate ; à Milan, ce sont les atrocités de factions aux prises ; mais ce qui fut pis encore, ce fut le sort de l’Église devenue soudain bicéphale. Si les membres de son pauvre corps, si les régions catholiques s’étiolaient, malades et à bout de sang, ses deux têtes à elle, qui se dressaient, l’une à Avignon et l’autre à Rome, ne cherchaient qu’à s’entredévorer. Elle était, en effet, dominée par d’effrayants pontifes ; c’était l’époque du grand schisme de l’Occident. La situation du Saint-Siège était celle-ci : le roi de France Philippe le Bel avait autrefois assis sur la chaire de Saint-Pierre l’une de ses créatures, Bertrand de Got, archevêque de Bordeaux. Après avoir été consacré à Lyon, ce souverain, au lieu de se fixer à Rome, s’était installé dans la principauté d’Avignon ; avec lui commença cette période que les écri-